samedi 26 décembre 2015

Voyage au cœur d’un « Liban sans retouche » - Zéna ZALZAL - L'Orient-Le Jour

Voyage au cœur d'un « Liban sans retouche » - Zéna ZALZAL - L'Orient-Le Jour

Voyage au cœur d'un « Liban sans retouche » - Zéna ZALZAL

Un voyage dans le passé terrien du pays. Voilà ce qu'offre Le Liban sans retouche* qui vient de paraître aux éditions al-Ayn, dans la collection Traces Photographes du Moyen-Orient. Un beau livre déroulant plus d'une centaine de photographies en noir et blanc de Roland Sidawy accompagnées d'un texte de mise en perspective bilingue (français et anglais) signé Houda Kassatly.

Ce qui séduit d'emblée dans cet ouvrage, c'est la beauté simple et sereine des paysages comme des hommes qu'a immortalisés ce contemporain du fameux Manoug (Alémian). Et qui fut, comme lui, l'un des photographes officiels du Festival de Baalbeck. Même si ce premier volume, qui lui est consacré, exclut tout portrait de stars (Brigitte Bardot, Margot Fonteyn, Jean-Louis Barrault, Herbert Von Karajan ou Feyrouz...) ou encore de sites archéologiques, qu'il a beaucoup photographiés, pour ne livrer que sa vision profonde et frémissante de sensibilité du Liban des années 50 jusqu'aux années 80.

Libanais natif d'Égypte, Roland Sidawy était (re)venu s'installer au pays de ses ancêtres en 1953. Dès lors jusqu'à son décès en 1986, ce pharmacien de profession et photographe de vocation n'a cessé de le sillonner de long en large. Pour découvrir et capter à travers le viseur de ses inséparables Rolleiflex ou Hasselblad (les deux caméras qu'il utilisait) la vraie nature (au double sens du terme) de ce petit pays méditerranéen.

Des tirages d'une rare qualité
Les images qu'il en a laissées sont celle d'une terre authentique et lumineuse ; de paysages encore préservés des abus des hommes comme de l'impact des années de guerre ; d'un pays à la fois côtier et montagneux habité par des hommes fiers et frugaux. Des paysans encore en cherwal et calotte de laine sur la tête ; des laboureurs à charrue de bœufs ; des bergers promenant leurs troupeaux à travers les ruelles des villages ; des pêcheurs raccommodant leurs filets, des épiciers dans leurs échoppes... Tous pris sur le vif, dans leur environnement naturel et leur activité habituelle, sans pose ni fausse reconstitution de la réalité. Mais aussi des processions de villages, des artisans à leurs métiers et des enfants, beaucoup d'enfant dont il rend si bien la spontanéité, l'insouciance et l'innocence des jeux qu'ils avaient encore en ce temps-là !

Tirées des archives personnelles de ce photographe qui n'a jamais eu de studio, ces images d'une rare qualité de tirage (qu'il travaillait lui-même) sont, malgré leur épurement monochrome, d'une grande éloquence. Elles racontent le quotidien rural pas si lointain finalement de ce pays qui, en quelques décennies de guerre, à complètement changé de visage et... d'esprit. Elles restituent aussi la « grâce » de sa nature originaire, à travers des vues quasi poétiques de champs, de bosquets, de clairières, ou encore de ces chemins de traverse qui sillonnent certaines localités qu'il affectionnait particulièrement, à l'instar de Chtaura, Taanayel ou encore Deir el-Kamar (d'où son épouse Leila Tabet était originaire et où il passait ses étés). Un seul regret cependant, c'est que les clichés ne soient pas datés.

Ni images d'Épinal ni clichés rabâchés, Un Liban sans retouche (176 pages) « rassemble des représentations d'hommes à l'œuvre, encore proches de la terre (qui) disent un monde qui fut, comme l'écrit Houda Kassatly. (...) Un monde encore préservé de la violence à venir, qui épuisera la terre et harassera les hommes. » Un contexte culturel et humain aujourd'hui totalement disparu dont l'œuvre de Sidawy garde délicatement le témoignage.

*Disponible en librairie


Pour mémoire
Ces souvenirs de famille qui racontent le pays...

« Si l'âge d'or a existé un jour, il pourra peut-être revenir »...

Photographier, tous les jours, pour survivre aux souvenirs



Jtk