mercredi 11 juillet 2012

Et si Europe était sidonienne (Liban Sud) ?

Et si Europe était sidonienne (Liban Sud) ?

Par May MAKAREM | 11/07/2012- OLJ


La découverte par la mission archéologique du British Musem à Saïda d'une monnaie représentant Europe relance le débat autour de l'origine de la déesse : Tyr ou Sidon ?
La découverte sur le site de l'ancienne école américaine de Saïda d'une monnaie représentant Europe relance le débat autour de l'origine de la déesse : Tyr ou Saïda ?
Pour la quatorzième année consécutive, la mission archéologique du British Museum continue ses fouilles sur le site de l'ancienne école américaine de Saïda, où un haut lieu de culte funéraire, assoupi depuis des millénaires, ne finit pas de révéler ses trésors. Une minicaverne d'Ali Baba avant l'heure : entre la 123e tombe du site, des mandibules, des sceaux cylindres et des céramiques attiques et crétoises presque intactes, et, surtout, une monnaie représentant la déesse Europe, le clou de la saison, les scientifiques sont au paradis.
Financées par la Cimenterie nationale SAL et la Fondation Hariri, les excavations menées à Saïda sous la direction de l'archéologue Claude Doumet Serhal ont encore apporté leur moisson de découvertes. Concentrant leurs recherches au nord du site, à l'emplacement du futur musée dont les travaux d'infrastructure vont débuter en septembre, les spécialistes ont exploré les différentes couches stratigraphiques jusqu'au niveau du rocher, daté de la fin du IVe-début du IIIe millénaire.


Ourson et daim
Les opérations de fouilles menées à ce niveau ont dévoilé le prolongement du quartier économico-religieux dégagé au cours des années précédentes. Dans cette zone polyvalente, on trouve, accolés à des sépultures, de petits foyers pour faire la cuisine, des unités de rangements pour la conservation des graminées (quelque 160 kilos de résidus de blés carbonisés avaient été trouvés), une sècherie de poissons et des dépôts de produits de chasse qui ont fourni une quantité d'os appartenant à des espèces animales, notamment des hippopotames, des ours, des gazelles et des lions. Cet été, signale Claude Doumet Serhal, une autre quantité de résidus d'orge et d'une nouvelle espèce de blé ainsi que les restes d'os d'animaux sauvages (dont ceux d'un aurochs) ont été recueillis sur le lieu. De même, trois mandibules-trophées ont été exhumées. « Une découverte assez bizarre, puisqu'il s'agit d'un ourson et d'un daim. Cela n'est pas un acte de bravoure pour les chasseurs. De plus, et très curieusement, la troisième mandibule est celle d'un jeune garçon âgé de neuf à douze ans. S'agit-il d'un rituel funéraire spécial ?
Nous cherchons encore à comprendre et à analyser cette trouvaille. » Un vrai thriller !

Lama en intercession
Et puis on se retrouve en plein dans le IIe millénaire. À cette époque où s'était posée une nécropole construite en pierre ou en brique, pareille à celles qu'on trouve tout au long de la côte, de la Syrie à la Palestine, la 123e tombe a été mise au jour. Elle renferme « un sceau cylindre en serpentine, de facture mésopotamienne avec influence syrienne, et fabriqué au Liban ». Il représente la déesse Lama, les deux bras levés dans l'attitude de l'intercession, recevant un orant en habit syrien et, derrière eux, le dieu des flots faisant émerger les eaux d'une seule épaule. « Les expressions des visages et la minutie des détails sont d'une perfection étonnante », s'émerveille la directrice des fouilles, ajoutant qu'un sceau scarabée égyptisant, une boucle d'oreille en bronze et une quantité de poteries très bien conservées et dignes de musées ont été également dégagés.
Par ailleurs, la présence de traces de trous de poteaux remontant à 1700 avant J.-C. indique que les anciens qui venaient enterrer leur mort, ou le commémorer, plantaient une sorte de tente sous laquelle ils s'installaient pour cuisiner, manger et boire. Les traces de pois chiches, de lentilles, de blé, d'orge, et de quelques fruits et légumes pas encore identifiés ont été relevées.

Et soudain, à l'âge du fer...
À l'âge du bronze moyen ou époque cananéenne, les célébrations – qui se sont déplacées vers un grand temple d'une quarantaine de mètres de long construit autour de 1650 avant J.-C. – se déroulaient dans une des pièces où se dresse « un magnifique podium recouvert d'une couche épaisse de plâtre blanc autour duquel on festoyait ».
Au niveau de l'âge du fer, le site révèle à travers des temples rectangulaires « les deux techniques de construction attribuées aux Phéniciens, et qu'on retrouve sur toute la côte autour du Xe siècle avant J.-C. ». C'est-à-dire le type de bâtiment construit avec de gros blocs rectangulaires bien taillés et étroitement assemblés sans liant ou alors avec crépi de mortier. C'est ce qu'on appelle la maçonnerie Ashlar.
De plus, ces couches de l'âge du fer ont livré de belles céramiques importées de la Grèce antique, dont une amphore attique avec deux cavaliers en tunique blanche portant des lances et allant à la guerre. Une autre représente un intercesseur posant devant le dieu Hermès aux sandales ailées. Claude Doumet Serhal est épatée par la qualité de ces « pièces de musée très bien conservées ». Mais c'est la découverte d'une monnaie sur laquelle est gravée Europe chevauchant le taureau, et son voile qui vole tout au-dessus comme un arc(-en-ciel) qui l'a fait chavirer de joie.
Surtout que cet hiver, au cours de certaines conférences tenues en Europe, de nombreux spécialistes se sont demandé si Europe ne serait pas sidonienne ! Car, qu'est-ce qui prouve qu'elle est tyrienne ? La mosaïque découverte à Tyr ? Le site de Saïda renferme lui aussi une masse d'objets importés de Crète, d'autant que la monnaie retrouvée tout récemment rend encore plus légitime le débat autour de l'origine d'Europe. Claude Doumet Serhal en est convaincue. Elle précise d'ailleurs qu'au niveau de l'âge du fer, les excavations ne font que commencer et pourraient encore révéler de nouveaux éléments...


JTK = Envoyé de mon iPad.

dimanche 8 juillet 2012

Lettre de démission du directeur des fouilles du site du Port Phénicien Hisham Sayegh,

Objet: [Lettre de démission du directeur des fouilles du site du Port Phénicien Hisham Sayegh,
en date du 27 juin 2012, distribuee aux medias, traduite de l'arabe
Lettre de démission du directeur des fouilles du site du Port Phénicien
Hisham Sayegh, en date du 27 juin 2012, distribuée aux médias, en arabe.

Lettre Ouverte au Ministre de la culture
Monsieur Gaby Layoun.

Jamais l'archéologie au Liban n'a assisté, depuis les siècles derniers,
ni durant les guerres des époques anciennes, ni durant l'invasion
israélienne de Beyrouth et ses bombardements, à une destruction comme
celle à laquelle elle assiste depuis votre prise de fonction au
ministère de la culture.
En vain, j'essayai de me convaincre que la
destruction des sites archéologiques et des demeures traditionnelles
n'avait aucun lien avec vous, et que l'archéologue contractuel, Asaad
Seif, proche de vous, habitué à enfreindre et détourner les lois au sein
de la Direction Générale des Antiquités ou DGA, était à l'origine, à
votre insu, de la destruction des trésors du Liban.
Ainsi, et en espérant qu'une réparation permettrait le retour des choses à la normale, je me suis imposé un silence amer en subissant vos reproches et
vos pressions, la dernière en date étant votre refus de signer le
renouvellement de mon contrat à la DGA, sans aucune justification, et ce seulement parce que j'étais cet archéologue qui a découvert en l'an
2011 le site du port phénicien sur la parcelle n° 1398 à Minet El-Hosn, et qui a rédigé un rapport scientifique à ce sujet et a voulu préserver
le site.
Partant de mes principes de croyance en Dieu, dans le
Liban, dans l'État et dans la loi, j'ai refusé avec les précédents
ministres de la Culture les pots de vins qui nous ont été proposés
généreusement par la société VENUS propriétaire dudit bien-fonds afin que nous acceptions de falsifier et détourner la vérité scientifique sur l'origine et l'importance de cette découverte au cœur de la capitale
Beyrouth.
Mais ce dont j'ai été témoin hier et dont ont été témoins
les Libanais, à travers les médias, d'une telle destruction programmée
de ce site phénicien, avec votre accord, et d'un tel rasement en
quelques minutes de monuments et de vestiges qui datent de milliers
d'années, tout cela ne m'a pas seulement fait mal, mais m'a transpercé
comme une balle, qui ne m'a pas épargné pour que je survive, ni tué pour
que je rejoigne les vestiges de ma patrie.
Monsieur le ministre de la Culture Gaby Layoun,
excusez-moi, je ne peux plus rester ce témoin muet, de la Direction
Générale des Antiquités (DGA), sur la destruction des vestiges de mon
pays et la falsification de leur identité, plutôt que d'être celui qui
veille sur sa protection, le préservant afin de le transmettre aux
générations futures
Ainsi j'ai décidé de m'adresser, à travers
cette lettre, à la nation, à la Justice et à l'Histoire, annonçant ma
démission de mes fonctions à la DGA en espérant que les Libanais et
l'Histoire excuseront mon incapacité de préserver les vestiges de mon
pays au sein de la DGA, qui à travers des pratiques illicites exercées
depuis votre prise de fonction, est devenue désormais faible et
marginale à travers la publication de rapports faussés et non
scientifiques pratiqués par des décideurs pour détruire les sites
historiques les uns après les autres. Sur ce, j'espère que vous
considèrerez ma lettre comme information auprès des autorités
judiciaires compétentes.

Beyrouth, le 27 juin 2012
L'archéologue Hisham Sayegh

JTK = Envoyé de mon iPad.