vendredi 27 septembre 2013

Charif Majdalani raconte les chrétiens du Liban - Livres - La Vie


27/9/2013-Charif Majdalani raconte les chrétiens du Liban

Cela commence comme un roman de cape et d'épée. Dans la fougue amoureuse de ses vingt ans, Hamid enlève la jolie Simone, la fille du notable chrétien Chakib Khattar, industriel du marbre, dont il était devenu le bras droit. On est en 1964. Les jeunes gens s'aiment, mais Hamid, issu d'une classe sociale inférieure, s'est vu refuser la main de sa belle. Ainsi s'ouvre « Le dernier Seigneur de Marsad », par un épisode rocambolesque qui marque le début de la fin pour le chef de clan chrétien, dont l'univers va basculer. Conteur hors pair, l'écrivain libanais Charif Majdalani nous plonge au cœur de l'histoire du Liban, à la veille de la guerre de 1975, qui marquera la fin d'un certain âge d'or. Rencontre.

Comment est née l'histoire du « dernier Seigneur de Marsad » ?

Marsad est inspiré du quartier de Mazra à l'ouest de Beyrouth, dont est originaire ma famille. Un quartier qui était autrefois à majorité chrétienne orthodoxe – avec une population plutôt roturière par rapport à l'aristocratie chrétienne du fief d'Achrafieh, à l'est de la capitale. Marsad a vu arriver petit à petit de nombreuses familles musulmanes sunnites. La géographie humaine a changé au point qu'à la fin des années 1950, les grands notables chrétiens ont dû s'allier aux chefs sunnites pour garder leur pouvoir. C'était une sorte de pacte contre nature, avec des leaders musulmans favorables aux nationalismes arabes, négation même de l'essence du Liban… Le maintien de l'influence chrétienne sur Mazra était à ce prix.

La guerre de 1975 a changé la donne...

Oui, le grand basculement démographique a surtout eu lieu pendant la guerre civile de 1975, quand les familles chrétiennes ont dû fuir vers l'Est, à quelques exceptions près. Au fil des ans, même les chefs traditionnels musulmans ont perdu leur influence au profit des chefs de milice, dont certains étaient encore assez respectables – comme le personnage d'Achraf Labbane dans le roman. A partir de 1983 cependant, des milices inconnues liées aux mafias ont lorgné sur les propriétés et établi leur camp… L'histoire de ce quartier est emblématique de celle du Liban, avec un changement progressif de la démographie et le rétrécissement du rôle des chrétiens.

Etes-vous nostalgique d'un certain âge d'or d'avant la guerre ?

Quand j'étais jeune, j'étais fasciné par les chefs traditionnels - dont j'ai tiré le personnage de Chakib Khattar -, ces grands seigneurs tout à la fois égoïstes et défenseurs des humbles, secondés par les « abadayes », des petits chefs de quartier un peu voyous, personnages mythiques pour les enfants que nous étions, qui maniaient le révolver dans des actions d'éclat, avaient l'art de la mise en scène et du symbole. Ils ont disparu au profit des miliciens, la kalachnikov a remplacé le pistolet… Mais le prétendu âge d'or d'avant la guerre, période de cohabitation et de prospérité économique, portait déjà en germe les conflits à venir. Cette société hyper-hiérarchisée était une société de convivialité, où l'on vivait côte à côte mais sans se mélanger - pas question de mariage entre communautés. Dans cette cohabitation accompagnée de méfiance, régnait déjà la fracture, communautaire et sociale – le mariage de déclassement étant aussi proscrit. Le jeune Hamid incarne cette impossibilité.

Quelle est la situation aujourd'hui ?

Le Liban a retrouvé aujourd'hui une forme de coexistence, même si la fracture oppose désormais sunnites et chiites. Tout le Moyen-Orient est pris dans cette division-là, vieille rivalité de cinq siècles qui a resurgi, avivée à l'heure actuelle par la situation en Syrie. Et les chrétiens d'Orient, écartelés entre leur allégeance aux uns ou aux autres, sont définitivement mis sur orbite. Mais ils sont une force satellitaire encore nécessaire, économique, intellectuelle et aussi symbolique. Ils font de ce pays quelque chose de différent, né du déséquilibre et qui n'existe que dans l'équilibre provisoire, lequel se rejoue à chaque étape de son histoire. 



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lundi 16 septembre 2013

Le Centre d’études latines de l’USEK ressuscite l’histoire du Liban | À La Une | L'Orient-Le Jour

Le Centre d'études latines de l'USEK ressuscite l'histoire du Liban | À La Une | L'Orient-Le Jour

Le Centre d'études latines de l'USEK, fondé en 2008 par Mireille Issa, professeure de littérature classique et de langues latine et médiévale à l'USEK et à l'USJ, est un havre où des manuscrits latins, désuets et jaunis par le temps, s'oxygènent, se décortiquent et se traduisent en français. La finalité d'un tel centre est de revivifier l'histoire, et quelle histoire ! Celle de la plus belle eau d'un Liban qui jouissait d'un statut enviable au temps de l'Empire romain. 


« Mon projet est de traduire des manuscrits latins et des livres érudits, écrits en un latin pur comme le cristal, en collaboration avec des latinistes, chercheurs et paléontologues aussi bien libanais que français pour que les gloires d'antan soient étalées au grand jour », confie Mireille Issa. Le Centre d'études latines entreprend alors un chantier qui fait retrousser maintes manches, notamment celles de Mireille Issa qui indique avoir renoncé à tout dans la vie pour suivre sa passion : le latin, qui ne devrait pas être considéré comme une langue morte parce qu'il est incontournable dans le langage scientifique. «Quand j'étais en France, j'écoutais le bulletin d'informations qu'on diffusait sur les ondes d'une radio locale en latin ! C'est même une langue toujours en vigueur dans certains milieux savants. Donc, j'essaie inlassablement de dissiper la présomption qui dit que le latin doit être relégué aux oubliettes de l'histoire», affirme-t-elle.

 

L'École de droit de Beyrouth : une légende dépoussiérée

L'École de droit de Beyrouth, on en a ouï dire. Elle existait. N'est-elle plus? Ou est-elle ensevelie sous les tonnes de béton et de ferraille qui rongent la capitale? On n'en sait rien. Néanmoins, ce qu'on peut savoir, c'est qu'elle respire toujours à travers l'ouvrage datant du XVIIe siècle de l'historien et juriste allemand Johann Strauch. Son livre, Berytus seu de metropoli Beryto, traduit par Mireille Issa, reproduit d'une manière fidèle la vie juridique de l'Empire romain dont le Liban faisait partie. Les écoles de droit siégeaient dans quatre villes de l'Empire romain : Rome, Constantinople, Alexandrie et Beyrouth. «Chaque école abritait deux professeurs romains, ou "civis romanus", puisqu'il était strictement interdit qu'un étranger enseigne dans ces écoles, même s'il jouissait du "jus civitatis", c'est-à-dire de la citoyenneté romaine. Mais pour Beyrouth, la formule était différente. Ce sont les Phéniciens qui y enseignaient, dont Ulpien, figure de proue dans le monde juridique de l'Antiquité». explique la professeure Mireille Issa. «On a de quoi être fiers. Notre pays a toujours eu un statut politique et administratif spécial. L'empereur Auguste y passait l'été, et Beyrouth bénéficiait de sa bienveillance et de celle de tous les empereurs du IIe siècle», poursuit-elle. Qui plus est, l'ouvrage de Strauch, que Mireille Issa a traduit en balayant toutes les ambiguïtés des désinences latines qui s'annexent aux noms des villes et des sites antiques, offre une perspective anthropologique d'une métropole dont l'histoire résonne de gloire.

Et les projets futurs ?
Mireille Issa, affichant son désir de poursuivre son chantier de traduction, projette de s'arrimer sur la rive des Bullarium, ou bulles papales – correspondances entre le Vatican et le patriarcat maronite entre le XIIe et le XVIIIe siècle. «Ce sont des textes anarchiquement regroupés et qui, une fois traduits, nous permettraient de lire l'histoire du Liban sous un autre angle», souligne-t-elle. Mireille Issa avoue être à sa 20e bulle, ce qui fait le dixième des 200 bulles papales rédigées en latin classique et qu'il faut aborder avec vigilance et tact, «pour ne pas prêter le flanc à la critique», conclut-elle.

Pour mémoire

De la Phénicie aux sociétés arabes médiévales

Les Abillama face à leur histoire et à celle du Liban...


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samedi 14 septembre 2013

عين ابل تستعيد نسخة من أثريّة قيّمة لأنّ القانون الفرنسي يمنع إعادة المسروقات بعد 70 عاما | جنوبية

http://janoubia.com/20217-تذكير بخبر سابق

عين ابل تستعيد نسخة من أثريّة قيّمة لأنّ القانون الفرنسي يمنع إعادة المسروقات بعد 70 عاما

تعمل بلدية عين ابل، في قضاء بنت جبيل، جاهدة للبحث عن المكان المناسب لاقامة مجسّم خاص داخل البلدة تعرض فيه منحوتتها الأثرية، التي استطاعت البلدية استعادتها من متحف اللوفر في باريس، بعد أن عمد المؤرّخ الفرنسي "أرنست رينان" الى انتزاعها من أحد الأماكن الأثرية في البلدة بالعام 1860، بحسب رئيس البلدية فاروق بركات دياب، أثناء قيامه بجولة الى عين ابل ذلك العام للبحث في آثارها.


ويكشف دياب أن "رينان عثر حينها على صخرة كبيرة تعود الى العصر الروماني منحوت عليها الالهين (أبوبلون) المعروف بـ(البعل) و(ديانا) أرتميست) المعروفة بـ(ديانا مع سهمين وثورين تتوسطهما شجرة نخيل) فعمد الى قصّ الصخرة المنحوتة ونقلها معه الى باريس". وأوضح دياب أن "أحد أبناء بلدة عين ابل اكتشف حقيقة فقدان الصخرة بعد أن قرأ في كتاب للمؤرخ رينان تحدث فيه عن قصة الصخرة الأثرية، عندها بدأت البلدية عملية البحث عنها بالاستعانة بأحد أبناء البلدة ويدعى يوسف خريش الذي يعمل بالمركز الكاثوليكي للاعلام، والذي استعان بدوره بابن عمه يوسف خليل خريش الموجود في فرنسا: "بعد أن تبيّن لنا وجود الصخرة في متحف اللوفر في باريس، رحنا نوثّق الأدلّة التي تثبت ملكية الصخرة لعين ابل، واستمرت المفاوضات ابتداءّ من العام 2003 مع ادارة المتحف الى أن أقرّ المعنيون هناك بمشروعية ادعاء بلدية عين ابل بملكية المنحوتة الرومانية، لكنها بينت أن القانون الفرنسي لا يسمح باسترداد أي قطعة أثرية مضى على وجودها في فرنسا أكثر من 70 عاماً، لذلك قرّرت الادارة نحت مجسّم شبيه (طبق الأصل) عن الصخرة المسروقة، وارسالها لنا".

وقد تسلّم رئيس البلدية اللوحة الصخرية عبر ماري كلودين بيطار من مؤسسة "بروموريون" في 24 – 10- 2011 أي بعد أكثر من 151 سنة من سرقة اللوحة الأصلية، وبعد نحو 9 سنوات من المفاوضات مع متحف اللوفر.

يذكر أن الصخرة المسروقة كانت في محلّة الدوير في عين ابل، وهي منطقة أثرية، منهوبة في مراحل عدة، منذ حكم الجزّار أيام العثمانيين الى الاحتلال الاسرائيلي. وقد عمدت البلدية الى ايداع اللوحة في قاعة البلدية تمهيداً لنقلها الى مكان لائق في البلدة بعد الاستعانة بمهندسين متخصصين، بحسب ذياب.

اللاّفت أن منطقة بنت جبيل غنية بالآثارت القديمة جداً، التي يعود بعضها الى أيام الكنعانيين وقد تعرّضت المنطقة أثناء الاحتلال الاسرائيلي إلى عمليات سرقة منظمة، منها من قبل العدو الاسرائيلي، وبعضها يأياد لبنانية عندما نبشت الكثير من الأماكن في قرى وبلدات متعددة وعثر أثنائها على كميات كبيرة من النووايس والتحف الأثرية، وبعضها من الذهب الخالص، بحسب العديد من أبناء المنطقة، وقد تم بيعها الى جهات مجهولة. وقد عبّر ابناء عين ابل عن سعادتهم بانجاز البلدية هذا "الذي يعتبر انجازاً تاريخياً يحتذى به من قبل جميع البلديات لاستعادة آثارها المسروقة".  

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jeudi 12 septembre 2013

Kadisha: balade dans la «vallée des saints» | Thomas Abgrall | Liban

Kadisha: balade dans la «vallée des saints»

Le couvent Mar Lichaa est l'un des plus... (Photo Thomas Abgrall, collaboration spéciale)
Thomas Abgrall

Collaboration spéciale

La Presse

(Bcharré, Liban) La vallée de la Kadisha, classée en 1997 au patrimoine mondial de l'UNESCO, fourmille de chemins de randonnée qui permettent de partir à la découverte de monastères remontant aux origines du christianisme.

C'est du village de Bcharré, d'où est originaire le poète Khalil Gibran - célèbre pour son essai Le Prophète -, que démarre notre voyage dans la Kadisha, la «vallée des saints» libanaise. Bcharré, avec ses toits en tuile rouge et son double clocher, se trouve perché sur un plateau, qui surplombe la «cuvette» de la Kadisha: une faille rocheuse au milieu de laquelle passe une vallée, dont le fragile fil directeur est une rivière qui serpente entre les arbres.

De Bcharré, à flanc de falaise, une route en lacets descend dans la plaine. Les points de vue sont à couper le souffle, quelques grappes de végétation s'accrochent à la roche abrupte - ocre et grise - qui laisse transparaître des cascades. Des dizaines de grottes naturelles se sont formées au fil des millénaires, parfois très difficiles d'accès (à plus de 1000 m d'altitude), ce qui a fait de la vallée un lieu de refuge naturel pour les communautés de la région. En particulier les premières communautés chrétiennes - les maronites - qui représentent encore aujourd'hui environ de 20 à 25% de la population libanaise.

Saint-Antoine de Kozhaya: au coucher du soleil, sa... (Photo Thomas Abgrall, collaboration spéciale) - image 2.0

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Saint-Antoine de Kozhaya: au coucher du soleil, sa majestueuse façade prend de belles teintes orangées.

Photo Thomas Abgrall, collaboration spéciale

Refuge des chrétiens

À certaines époques, la vallée aurait accueilli près de 200 ermites, et des centaines de moines, qui se sont plusieurs fois retrouvés persécutés, notamment à la fin de la période des croisades, par les sultans mamelouks, au XIIIe siècle.

On y trouve aujourd'hui la plus forte concentration de monastères et d'ermitages rupestres remontant aux origines du christianisme.

Les Libanais, quelle que soit leur religion, aiment venir randonner dans la Kadisha et visiter ces monastères.

En contrebas de Bcharré, Mar Lichaa - du nom d'un prophète de l'Ancien Testament - est l'un des couvents les plus accessibles, niché au-dessus de champs d'oliviers. Se fondant avec la roche, il daterait de 1315, et les patriarches de Bcharré auraient été ses premiers habitants. Il abrite une petite église et quelques cellules de moines, mais n'est plus fonctionnel depuis plusieurs années. Du couvent, un large chemin terreux au milieu des arbres parsemé de croix conduit dans le fond de la vallée.

Tout autour, sont encore visibles de nombreuses cultures en terrasses, où les moines et les habitants de la région font pousser la vigne et les céréales. Si la plupart ont été abandonnées, quelques-unes subsistent toujours.

Avant de parvenir au pittoresque couvent de Qannoubine, le plus ancien de la région, le restaurant d'Abou Joseph - le seul planté au milieu de la vallée - arrive à point nommé pour déguster quelques mezzés libanais au frais. Les infrastructures touristiques se sont peu développées dans la vallée, ce qui lui a permis de préserver toute son authenticité.

On accède à Deir Qannoubine par un petit chemin pentu et rocailleux. Plus intime et calme que Mar Lichaa, avec sa terrasse ombragée, sa grande cloche, sa chapelle blanche avec des fresques murales colorées remontant au XVIIIe siècle.

Le pittoresque couvent de Qannoubine, le plus ancien... (Photo Thomas Abgrall, collaboration spéciale) - image 3.0

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Le pittoresque couvent de Qannoubine, le plus ancien de la vallée de Kadisha.

Photo Thomas Abgrall, collaboration spéciale

Les derniers ermites du Liban

Encore plus haut dans la montagne se trouvent quelques restes du couvent Notre-Dame de Haouqa.

C'est là que vit depuis une dizaine d'années l'un des trois derniers ermites de la vallée de la Qadisha, l'étonnant père Dario Escobar. Le couvent le plus proche lui apporte deux fois par semaine sa nourriture, un seul repas végétarien par jour, à 2h du matin.

En redescendant dans la vallée, le chemin de randonnée se poursuit avant de s'effacer progressivement. Il faut continuer par des sentiers non balisés pendant plusieurs heures, avant d'atteindre la dernière étape, le couvent le plus imposant de la vallée: Saint-Antoine de Kozhaya. Au coucher du soleil, sa majestueuse façade prend de belles teintes orangées. Le portail d'entrée, de style arabe, s'ouvre sur une grande cour dotée d'une fontaine et offrant de superbes vues sur la vallée. Une petite église avec trois clochers est adossée à la paroi rocheuse.

Pour profiter pleinement du lieu, il est possible d'y passer la nuit. Il peut accueillir jusqu'à 60 visiteurs. Avec en prime un lever de soleil sur la vallée... en attendant de se perdre de nouveau dans les multiples sentiers de la Kadisha.



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mardi 10 septembre 2013

Les Arabes précurseurs de l'ère numérique - AgoraVox le média citoyen

Les Arabes précurseurs de l'ère numérique

 « La mathématique est la reine des sciences et
la théorie des nombres est la reine des mathématiques. »
Gauss

Avec la civilisation numérique que nous vivons, nous constatons que l'affirmation de Pythagore, l'un des plus anciens philosophes de l'humanité, énoncée il y plus de 2500 ans, selon laquelle « tout est nombre » s'avère des plus actuelles. En effet, tout ce que nous échangeons sur Internet est numérique, la culture numérique a été et est encore le pivot du développement technologique le plus pointu. La culture numérique ne semble pas faire question tant l'évidence d'un déploiement technique rend partout présent la numérisation de nos tâches et de nos œuvres.

Pythagore avait énoncé que les mathématiques ordonnaient l'univers des dieux et des hommes. 24 siècles plus tard, le mathématicien et philosophe britannique George Boole parvint à exprimer les opérations de l'esprit logique par une algèbre.

Pythagore avait pressenti la science des nombres, les Arabes l'ont créée.

Après la Renaissance, les Européens en ont repris le flambeau pour créer le monde moderne. Dans ce qui suit, nous désignons par le terme générique « arabe » l'ensemble des peuples et des savants dont les œuvres ont été écrites en arabe : ils furent Arabes, Persans, Berbères, Espagnols, etc. C'étaient des musulmans, des juifs, des chrétiens, et d'autres encore.

Pour apprécier l'importance considérable de la contribution de ces savants (qui ont été si nombreux et si féconds qu'il est impossible de les citer tous ici), nous allons juste citer quelques exemples de mathématiciens arabes réputés, en remarquant qu'en fait, les mathématiques ne furent que l'une des facettes de leur savoir qui, à l'époque, couvrait plusieurs domaines de la connaissance.

1.  Abu Abdallah Al-Khawarizmi (783-850) était un mathématicien persan, géographe et astronome. Il est considéré comme le plus grand mathématicien de la civilisation islamique. Il a contribué à l'adoption du système de numérotation indienne, plus tard connu sous le nom de chiffres arabes. Il a introduit des méthodes de simplification des équations. Il a utilisé la géométrie euclidienne dans ses démonstrations. Il a donné son nom au mot « algorithme », qui est une suite finie et non ambiguë d'opérations ou d'instructions permettant de résoudre un problème.

2.  Abū Yūsuf al-Kindī (801—873). Dans le domaine de la géométrie, Al Kindi aborde la théorie des lignes parallèles. Il donne un lemme sur l'existence de deux lignes dans le plan, à la fois non parallèles et sans intersection, la géométrie non euclidienne n'est pas loin.

3.  Thabet ibn Qurra (826-901) est connu pour ses traductions des mathématiques grecques, et ses recherches en arithmétique sur les nombres premiers. Il énonce et démontre le plus important théorème connu sur les nombres amiables (deux nombres sont amiables si chacun d'eux est égal à la somme des diviseurs propres de l'autre) qui porte aujourd'hui son nom. Ce travail sur les nombres amiables sera poursuivi par al-Fârisî (XIVe siècle). L'analyse des conclusions d'al-Fârisî montre que dès le 14e siècle, on était parvenu à un ensemble de résultats et de techniques attribués jusque-là aux mathématiciens européens du 17e siècle.

4.  Al Hassen Ibn Al-Haythem (965-1039), surnommé Alhazen par les Européens, est un savant qui a laissé son nom sur la question connue aujourd'hui sous le nom de problème du billard d'Alhazen. Le problème peut se résumer ainsi « soit deux billes A et B placées en deux points quelconques d'un billard parfaitement circulaire. Trouver le point du rebord sur lequel la bille A doit être envoyée pour revenir heurter la bille B après avoir rebondi une seule fois ». Alhazen a réussi à le trouver grâce à des sections coniques, mais il n'a pas réussi à le prouver à l'aide d'un raisonnement d'algèbre mathématique. Durant des siècles, plusieurs scientifiques ont essayé de résoudre ce problème, mais ce n'est qu'en 1997 que Peter M. Neumann, professeur à Oxford, a démontré que la solution fait appel à une équation du quatrième degré et ne peut donc être résolue avec une règle et un compas.

Ibn Al-Haythem a découvert l'un des plus beaux théorèmes de la théorie des nombres : « un entier p, plus grand que 1, est premier si et seulement si ((p – 1) !+1) est divisible par p ». Sept siècles plus tard, les Européens appelleront ce théorème, le théorème de Wilson (1741-1793).

5.  Muḥammad Al-Bīrūnī (973- 1048) est connu pour sa théorie sur la rotation de la Terre autour de son axe et autour du Soleil, et ceci bien avant Copernic (1473-1543). Il mentionna, avant Isaac Newton (1642-1727) la force d´attraction que la Terre exerce sur les corps. Mathématicien, géologue, botaniste, astronome, historien, linguiste, a laissé une œuvre considérable. Al-Biruni était un pionnier. Il a créé la première mappemonde construite en Asie centrale. Avec l'aide d'un astrolabe, de la mer et d'une montagne avoisinante, il a évalué la circonférence de la Terre. Il a calculé avec précision les densités et les poids spécifiques de minéraux, travaillé sur la "règle de trois", développé des équations à plusieurs inconnues, contribué à développer la trigonométrie. Il a imaginé un canal reliant la mer Rouge et la Méditerranée (actuel canal de Suez), a proposé de dessaler l'eau de mer pour approvisionner les contrées désertiques en eau douce. Lorsque les écrits d'Al-Bîrunî parviennent en Europe, son nom fut francisé en Aliboron. On francisait et latinisait autrefois les noms provenant des langues "barbares" et imprononçables. Exemples : Ibn Sina = Avicenne, Ibn Rushd = Averroès, Kung-fu Tseu = Confucius. Pour les Européens d'alors, ses œuvres apparaissent comme ardues, voire ésotériques. Au lieu de reconnaître leur incompétence, les savants français se sont moqués du contenu de ses livres. Par dérision, Al-Bîrunî, alias Aliboron, fut affublé du sobriquet de Maître Aliboron. Au 14e siècle, Jean Buridan (1300-1358), maître scolastique et philosophe aristotélicien, nomma Aliboron son célèbre âne affamé et assoiffé qui, placé à égale distance d'un seau d'eau et d'une botte de foin, mourut de faim et de soif, faute d'avoir su choisir dans quelle direction aller en premier. Par la suite, d'autres ânes furent nommés Aliboron, et "Maître Aliboron" devint une périphrase pour désigner l'âne par excellence, comme on le lit chez La Fontaine.  Du reste, je suis convaincu que La Fontaine n'aurait pas utilisé ce mot s'il savait l'ânerie qui en a été l'origine. Autrement dit, les ânes ne sont pas toujours ceux que l'on pense !

6.  Omar Khayyâm (1048-1131) est un savant et un poète persan. C'était le premier mathématicien à avoir traité systématiquement des équations cubiques, en employant des tracés de coniques pour déterminer le nombre des racines réelles et les évaluer approximativement. Outre son traité d'algèbre, Omar Khayyâm a écrit plusieurs textes sur l'extraction des racines cubiques.

7.  Nasir al-Din al-Tusi (1201-1274) était le premier à traiter la trigonométrie en tant que discipline mathématique distincte, et dans son Traité sur le Quadrilateral, il a donné la première exposition étendue de la trigonométrie sphérique, et il était le premier à énumérer les six cas distincts d'un triangle équilatéral en trigonométrie sphérique. Il a également créé la célèbre formule de sinus pour les triangles isocèles, qui était l'une de ses contributions mathématiques principales. En 1265, al-Tusi a écrit un manuscrit concernant le calcul pour les nièmes racines d'un nombre entier. Il a indiqué les coefficients d'expansion d'un binôme à n'importe quelle puissance, donnant la formule binomiale (appelée plus tard "triangle de Pascal").

Les Arabes avaient « la bosse des maths »

Le rôle de la civilisation arabe a été particulièrement novateur en mathématiques : arithmétique, algèbre, analyse combinatoire et trigonométrie. Ils ont utilisé les mathématiques comme auxiliaires d'autres disciplines telles que l'astronomie, les techniques de constructions géométriques (mosaïques, coupoles…) mais aussi à des fins purement religieuses pour calculer les coordonnées géographiques et indiquer la direction de La Mecque.

Dans le domaine de l'arithmétique, l'une des branches les plus nobles et les plus difficiles des mathématiques, les Arabes ont accompli une œuvre considérable en recueillant, en propageant et en enseignant l'usage des chiffres et du calcul indiens, et en poussant l'étude de certaines propriétés remarquables des nombres vers un embryon de la théorie des nombres.

C'est que, dans le domaine numérique, l'esprit arabe « immatérialise le nombre et le personnalise ». Le nombre n'est plus une nature douée de propriétés mais un être actif doué d'un rôle opératoire, qui concourt avec d'autres dans l'ensemble des opérations. Ainsi, ce qui intéresse les Arabes dans la série des nombres, ce n'est pas la suite naturelle et chosifiée, c'est le terme défini par sa place dans la série avec sa singularité. Ils ont recherché l'ordinal, plutôt que le cardinal ; ils ne se sont pas rebutés et horrifiés par les nombres impairs ou les nombres irrationnels, comme l'avaient été les Grecs. « On a même trouvé chez Ibn Qurra la notion cantorienne du transfini » (L. Massignon et R. Arnaldez).

Comme l'explique A.P. Youschkevitch, « l'assimilation de l'héritage classique a permis aux mathématiciens arabes d'atteindre, dans le développement des algorithmes numériques et des problèmes correspondants, un plus haut niveau que celui auquel pouvaient accéder les mathématiciens indiens et chinois. Là où ces derniers se contentaient d'établir une règle de calcul particulière, les mathématiciens de l'Islam réussissaient souvent à développer toute une théorie ».

Introduction des chiffres indiens et du zéro

C'est d'Inde, tracés dans leur graphie nagari, que sont venus de nouveaux signes permettant, grâce au zéro positionnel, une plus grande souplesse d'emploi. Des astronomes musulmans, en apprenant cette science des Indiens au 8e siècle, ont vraisemblablement importé dans un même mouvement leurs chiffres. Al Khawarizmi serait le premier à avoir, au 9e siècle, travaillé sur les méthodes de calcul indiennes. Rapidement adoptés, ces signes ont subi de nombreuses modifications avant de prendre l'apparence des chiffres dits arabes utilisés de nos jours. Ce sont les savants d'Afrique du Nord (Kairouan) qui ont développé une nouvelle graphie appelée maghrébine, ou ghobar, ou tout simplement arabe. C'est celle qui est employée aujourd'hui par le monde entier, sauf au Moyen Orient, qui a conservé jusqu'à nos jours la graphie indo-persane des 9 chiffres, parce qu'ils considèrent que les Maghrébins ne sont pas des Arabes (ce qui est vrai) et donc qu'ils refusent de considérer "les chiffres arabes", créés à Kairouan, comme arabes !! Ainsi, comble de l'absurde, les seuls peuples qui n'utilisent pas les chiffres arabes sont les Arabes eux-mêmes. Ajoutons à cela que la langue arabe n'est la langue maternelle d'aucun Arabe et nous constatons par là l'état actuel de schizophrénie des Arabes.

Introduction du système sexagésimal babylonien

On pourrait se demander pourquoi certaines mesures sont exprimées de nos jours en base 60, dite base sexagésimale. On utilise ce système par exemple pour le temps (heures, minutes, secondes), pour les coordonnées géographiques (latitude, longitude) et pour mesurer les angles. Ce système, positionnel, a été créé en Irak, par les Sumériens, ancêtres des Babyloniens, vers le 19è siècle avant J.C., il y a presque 4000 ans !

Dans un système positionnel, la position du chiffre indique son ordre de grandeur. Par exemple [3 ;4;2] signifie, dans notre système positionnel décimal 3x102+4x10+2x1 soit 342. Pour les Sumériens, il signifiait 3x602+4x60+2x1 soit 10800+240+2 soit encore 11042. Ce système disposait aussi du zéro.

Le système sexagésimal a l'avantage d'avoir de nombreux diviseurs entiers (1, 2, 3, 4, 5, 6, 10, 12, 15, 20, 30, 60) qui facilitent le calcul des fractions. Les fractions ont toujours été le cauchemar des écoliers. Il en était ainsi chez les comptables ou les arpenteurs d'il y a 4000 ans. Par contre, si 60 est divisible par 1,2,3,4,5 et 6, il ne l'est pas par 7. C'est pour cela que les Sumériens considéraient le chiffre 7 comme démoniaque, et décidèrent qu'une semaine devait s'arrêter au 7e jour. Le sept est devenu, dans beaucoup de croyances, un chiffre spécial, ayant parfois une connotation divine et parfois une connotation diabolique.

Ce système, antérieur au système décimal indien a exercé une grande influence depuis la plus haute antiquité à nos jours. Depuis le 2e siècle avant J.C., les astronomes grecs l'utilisèrent. Après les Grecs, les astronomes arabes l'ont utilisé pour leurs tables astronomiques, d'autant plus que les Babyloniens avaient aussi un calendrier lunaire. Et c'est ainsi que le système savant babylonien est parvenu jusqu'à nous, et au monde entier, grâce aux Arabes.

Pour la première fois dans l'Histoire, les mathématiciens arabes prennent conscience du fait que les propriétés de la numération de position d'origine indienne sont indépendantes de sa base. Ils comprennent donc, peu à peu que, dans une numération de position, munie du zéro et possédant des chiffres significatifs détachés de toute intuition visuelle directe (comme par exemple dans la numération romaine), la notation des entiers est extensible à une représentation simple et rationnelle de tous les nombres. Ainsi, les opérations fondamentales de l'arithmétique (addition, soustraction, multiplication, division), s'y effectuent aussi aisément selon des règles simples indépendantes de la base envisagée (à l'époque, base 10 et base 60).

Transmission des chiffres arabes en Europe et au reste du monde

L'histoire de cette transmission est assez édifiante.

- Une première tentative a été faite par le pape de l'an 1000, Sylvestre II. Premier pape français, Sylvestre II, né Gerbert d'Aurillac, est aussi un grand savant et un acteur politique majeur. Né vers 945 dans une famille de paysans, Gerbert est éduqué à l'abbaye Saint-Géraud d'Aurillac, dans un esprit moderniste. Remarqué par le comte de Barcelone, le garçon poursuit son instruction dans les abbayes catalanes. Il y découvre le « quadrivium », c'est-à-dire les quatre sciences profanes de son époque : l'arithmétique (dont la numération indo-arabe), la géométrie, la musique et l'astronomie, à travers des manuscrits en latin traduits de l'arabe. Ce faisant, le moine précède de plus d'un siècle les étudiants des universités de Paris, Montpellier et Oxford qui vont au XIIe siècle traverser comme lui les Pyrénées pour compléter leurs connaissances grâce aux maîtres et savants arabes. Devenu pape en 999, sous le nom de Sylvestre II, il use de toute son autorité pour imposer les chiffres arabes chez les chrétiens, à la place des chiffres romains peu pratiques. Sa tentative va échouer, à cause de la résistance des savants de l'Église, qui considéraient que tout ce qui venait des Sarrasins (les Arabes) ne pouvait qu'être diabolique. On accusa même ce pape d'être habité par le diable. Cette légende a eu la vie tenace, à tel point qu'en 1648, six siècles plus tard, l'autorité pontificale fit ouvrir le tombeau de Sylvestre II pour vérifier si les diables de l'enfer ne l'habitaient point !

- Deux siècles plus tard, une deuxième tentative va réussir.

Né à Pise en Italie, Leonardo Fibonacci (1175-1250), a été élevé et éduqué en grande partie à Béjaïa (Bougie), l'une des capitales du Maghreb d'alors, où vivait son oncle Guillermo Bonacci. Celui-ci était le représentant, auprès des douanes maghrébines, des marchands toscans en Algérie, en Tunisie et au Maroc. Le jeune Leonardo, formé dans les écoles algériennes, s'est vite passionné pour les mathématiques arabes. Fibonacci rapporta à Pise en 1198 les chiffres arabes et la notation algébrique. Grâce à ses écrits et à sa persévérance, Finobacci réussit là où le pape Sylvestre II échoua. 

L'introduction du papier, des chiffres arabes et de tout le savoir arabe en Europe va grandement faciliter la Renaissance européenne.

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Hannibal Genséric

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