jeudi 28 juillet 2016

Liban: Mixité entre hommes et femmes interdite dans des localités chiites

27.07.2016 par Jacques Berset

La mixité entre hommes et femmes a été interdite à trois reprises dernièrement dans trois localités à majorité chiite du sud du Liban, à savoir à Aïtaroun, Jebchit et Khiam. Selon le quotidien francophone libanais L’Orient-Le Jour, ces mesures n’ont pas manqué de susciter une vague d’indignation parmi les membres de la société civile.

Ces derniers dénoncent une atteinte aux libertés individuelles et mettent en garde contre des mesures à venir qui pourraient être encore plus restrictives. A Aïtaroun, bourg où vivent quelque 6’000 habitants, une piscine appartenant à la municipalité a récemment été interdite d’accès aux femmes pendant la baignade des hommes. Les motifs invoqués sont ceux de la nudité des torses des baigneurs et de l’aspect des maillots de bain masculins qui peuvent exposer le corps en raison de leur humidité.

Un phénomène de radicalisation récent

Désormais, les femmes et les enfants pourront accéder à la piscine du matin jusqu’à 16h, alors que les hommes pourront se baigner le soir. A Jebchit, une ville de 25’000 habitants, un magasin où les jeunes peuvent se connecter à internet a reçu un communiqué de la municipalité lui demandant, entre autres, de ne pas autoriser la mixité dans ses locaux, et de fermer aux heures de prière.
Le dernier incident de ce genre a eu lieu tout récemment dans la ville de Khiam, un bastion du Hezbollah non loin de la frontière israélienne, où avait été établi pendant l’occupation un sinistre camp de détention tenu par l’Armée du Liban-sud, pour le compte d’Israël. Ici, les femmes ont été interdites de participer à un marathon, pour éviter la mixité lors de la course.
“Il s’agit d’un phénomène récent que l’on voit apparaître au niveau des municipalités. C’est la première fois qu’elles prennent des décisions qui ont pour but d”organiser’ les relations entre les gens, avec la religion en toile de fond”, confie à L’Orient-Le Jour le journaliste et analyste politique Ali el-Amine.

Climat général d’extrémisme religieux

“Il y a 50 ans et plus, la mixité ne faisait pas problème dans les villages chiites du Sud”, relève Ali el-Amine. Il rappelle que hommes et femmes se croisaient souvent devant les cours d’eau. “Quand les gens n’avaient pas encore accès à l’eau courante, les femmes allaient faire la lessive et la vaisselle dans les cours d’eau pendant que les hommes se baignaient”.
Il pense que ces interdictions de mixité pourraient s’expliquer par le climat d’extrémisme religieux qui prévaut actuellement en raison des conflits régionaux. “Le Hezbollah mise sur l’identité religieuse chiite pour justifier son engagement en Syrie. Or les gens deviennent extrémistes quand la religion est mobilisée de la sorte. Il se peut que le Hezbollah ne soit pas directement impliqué dans les agissements qui ont eu lieu dans les municipalités. Mais ces comportements sont des conséquences sociales du retour vers le religieux”.

La majorité n’adhère pas à ce genre de décision

Pour le journaliste libanais, “certaines personnes confinées dans leurs villages adhèrent à ce genre de discours, mais les habitants de ces villages sont ceux-là mêmes qui vont à la plage de Tyr où la mixité existe… En général, la majorité des gens sont gênés par ces décisions et ils hésitent entre le fait d’en rire ou d’en pleurer”.
D’autres, comme le journaliste Imad Komeiha, affirment que ces interdictions de mixité sont dues au fait que le Hezbollah contrôle les municipalités où elles ont été émises, et cela dévoile “le vrai visage du Hezbollah… qui est celui d’un parti religieux et islamique”. (cath.ch-apic/orj/be)


https://www.cath.ch/newsf/liban-mixite-entre-hommes-femmes-interdite-localites-chiites/

mardi 19 juillet 2016

Charbel Makhlouf : l’histoire extraordinaire du plus grand saint du Liban - Rania Raad Tawk - L'Orient-Le Jour

Charbel Makhlouf : l'histoire extraordinaire du plus grand saint du Liban - Rania Raad Tawk - L'Orient-Le Jour

Charbel Makhlouf : l'histoire extraordinaire du plus grand saint du Liban

La MTV consacre une partie de la matinée de demain dimanche à partir de 8h30 à un personnage qui a passé sa vie dans la simplicité, la prière et la pauvreté mais qui a rendu le Liban célèbre sur la carte du tourisme religieux, grâce à des guérisons miraculeuses que la science n'a pas pu expliquer jusqu'à aujourd'hui.

Saint Charbel ou, de son vrai nom, Youssef Makhlouf, a mis en exergue l'importance de la vie des ermites dans l'ordre maronite libanais. À 23 ans, ce jeune homme né le 8 mai 1828 à Bkaakafra, le village le plus élevé du Liban, orphelin de père, mort sur le chemin de retour de son travail auprès de l'armée ottomane dès l'âge de trois ans avec deux oncles maternels ermites déjà, décide d'intégrer l'ordre maronite libanais au couvent de Mayfouk pour passer sa première année de noviciat. Il complétera sa deuxième année au couvent Saint-Maron à Aanaya, sur les hauteurs de Jbeil à 1 000 mètres d'altitude, au terme de laquelle il prononcera ses vœux. Après vingt ans de vie monastique, il se retira solitaire dans un lieu proche du couvent Saint-Maron, l'ermitage des saints Pierre et Paul où il passa les vingt-trois dernières années de sa vie consacrées au Seigneur, s'adonnant à la pénitence et à la prière, mais aussi recevant les fidèles qui cherchaient Dieu auprès de lui.

Il a su équilibrer sa vie entre l'ascèse, le travail et la pauvreté, la centrant sur l'adoration et la communion eucharistique. Sa vie était si perdue en Dieu qu'il faisait des miracles sans s'en rendre compte. Comme un soir, par exemple, où, distrait, il verse de l'eau dans sa lampe à huile. Elle ne s'éteignit pas, mais au contraire brûla toute la nuit. Son tombeau devint aussitôt un lieu de pèlerinage et de guérisons sans nombre. On compte aujourd'hui jusqu'à 126 000 miracles grâce à son intercession. Il est un des saints les plus populaires du Liban.

Au XIXe siècle, près de chaque couvent maronite, il y avait des ermitages qui étaient pleins et il fallait donc que les moines attendent leur tour avant d'y être admis. Il fut également étudiant en psychologie et en théologie avec pour professeur, entre autres, un autre moine canonisé, Neemtallah el-Hardini, méconnu encore à l'époque par le grand public. Saint Charbel est considéré par les Libanais comme le « saint des saints » et leur père spirituel dans les moments difficiles.

Le 22 de chaque mois, des milliers de fidèles, malades, désespérés, exaucés ou simplement croyants rejoignent une miraculée, Nohad Chami, qui donnera son témoignage dimanche dans « Tehkik », l'émission présentée par Claude Hindi, à l'occasion du 118e anniversaire de la disparition du moine ermite. Mme Chami aurait été opérée par saint Charbel qui a tenu à lui garder un signe, une plaie, qui saigne toujours comme pour lui rappeler ainsi qu'aux sceptiques « l'amour de Dieu et sa grâce infinie ». Une foule de fidèles se déplacent dans la région du jurd de Jbeil afin de participer auprès de cette femme à une procession de prières de l'ermitage en direction du couvent Saint-Maron. Ce rendez-vous est devenu fixe pour des centaines de personnes qui ne ratent aucune occasion, été comme hiver, pour venir prier cet ermite canonisé le 9 octobre 1977 par le pape Paul VI.

Une relation d'amour, de foi et de passion a intimement lié ce moine, ayant choisi la pauvreté en rejetant toutes les vanités terrestres, à la Vierge, au Christ et à Dieu. Un choix de vie qui finira par le mettre au centre de la vie de millions de croyants qui demandent son intercession au quotidien. C'est l'histoire d'une relation fusionnelle entre un simple moine avec son Créateur, racontée autrement par Claude Hindi, des fidèles et des moines, demain, 118 ans après sa mort, un 24 décembre. Une petite lueur d'espoir au parfum d'encens du bois de cèdre sur nos petits écrans.

Pour mémoire
Miracle à Phoenix, Arizona

Bienvenue chez saint Charbel...au Canada

Saint Charbel et les gérants de l'ascèse

« Saint Charbel m'a opérée »



JTK

Syrie-Liban, si proches, si divisés À PROPOS D’UN LIVRE D’ÉLIZABETH PICARD



19 JUILLET 2016


Élizabeth Picard, directrice de recherche émérite auCNRS, nous donne dans son dernier livre Liban-Syrie, intimes étrangers. Un siècle d’interactions sociopolitiques, des clés pour mieux comprendre les enjeux actuels auxquels sont confrontés ces deux pays à travers l’analyse de leurs relations dans l’histoire, depuis leur fondation comme États il y a près d’un siècle.

Le Liban et la Syrie : quel couple étrange et quel drôle de couple  ! Presque tout les unit et presque tout les sépare. Ils sont pourtant nés de la même matrice (l’histoire, les siècles sous domination ottomane, puis les accords Sykes-Picot). L’un apparaît comme un appendice de l’autre  ; deux pays contigus, inextricablement proches, voire interdépendants et néanmoins loin de former une seule entité ou même de pouvoir rêver se fondre dans un seul État, tant leur destinée depuis près d’un siècle, au lendemain de la première guerre mondiale, les a façonnés de façon différente. Plus d’une puissance étrangère s’est frottée à eux, souvent en se brûlant les doigts. Des milliers de livres, d’essais ont été écrits à leur sujet. Comptant parmi les meilleurs spécialistes, Élizabeth Picard entreprend de les étudier et de comprendre leur trajectoirel’un par rapport à l’autre et à leur environnement dans un ouvrage qui vient de paraître chez Actes Sud, et dont le titre en soi résume le contenu : Liban-Syrie, intimes étrangers.
Sans se départir de sa rigueur universitaire, Élizabeth Picard a écrit un livre stimulant, accessible à qui ne veut pas s’intéresser qu’à la seule «  actu chaude  », ouvrant chapitre après chapitre de nouvelles pistes de compréhension et de lecture. Délaissant «  une narration de l’histoire des relations syro-libanaises qui serait à la fois longue et répétitive  », elle propose des études thématiques au fil de l’histoire, de 1920 (après Sykes-Picot) à nos jours, qui s’enchaînent sur une succession chronologique. Chaque chapitre se focalise sur une conjoncture critique qui offre l’occasion de travailler sur un aspect de la relation syro-libanaise, chaque terrain invitant à un déplacement de perspective disciplinaire, même si «  la réflexion reste principalement politologique  ».Éminemment novateur, le livre très dense fournit aussi des synthèses et de nombreuses références aux ouvrages jusqu’aux plus récents écrits sur le sujet, y compris sur la formation de l’idée de nation libanaise.
L’auteur a découpé son livre en plusieurs parties : «  Séparation  » après la genèse, où un chapitre cite sous la forme interrogative la fameuse phrase attribuée à Hafez Al-Assad : «  Un seul peuple dans deux États  ?  » mais aussi «  De quoi le Liban est-il le nom  ? suivi de «  Confrontation  », «  Distinction  » qui s’ouvre sur le chapitre du «  différentiel démocratique  », avant de s’achever sur une question : «  En finir avec Sykes-Picot  ?  », soit une sorte de pied de nez instructif en cette période où essayistes, politologues et chercheurs se penchent sur le découpage du Proche-Orient.

«  DURABLE IRRÉSOLUTION  »

«  Rien n’était joué d’avance dans leur distinction et leur séparation  », note-t-elle d’emblée : «  des études récentes ont révélé la durable irrésolution, depuis le dernier quart duXIXe siècle, de l’alternative entre “unité syrienne” et “autonomie libanaise”, avec, en toile de fond, l’invention de la nation arabe par les intellectuels et les militants politiques  ». Parfois, quand on regarde une carte, le Liban apparaît comme amputé à la Syrie,«  pays du toujours moins  » replié sur lui-même, alors que son voisin de l’ouest, grâce à sa belle façade maritime plus longue, offre une image d’ouverture aux autres. Cette différence a son importance, comme le montre Picard.
Mais la population est mêlée et de grands dirigeants libanais sont nés en Syrie, comme le maronite Émile Eddé, président libanais sous le mandat français et «  qui choisit le libanisme en plaidant la séparation du Liban de la Syrie et, plus largement, des pays arabes et musulmans  ». Malgré cela, la vision syrianiste résistera à l’imposition des frontières au-delà du temps des indépendances, jusqu’à ce que le vent de la révolution l’emporte dans les années 1950. Révolution… que de malheurs en ton nom  !
Jusqu’au sein de la puissance mandataire de la France, les avis divergent (et continueront de diverger après les indépendances) sur la question des deux États. La France arbitre finalement en faveur des «  libanistes  » mobilisés à Paris et Beyrouth, donnant tort au haut-commissaire du gouvernement français au Levant, le général Henri Gouraud «  qui reste, lui, convaincu que les intérêts économiques aboutiront nécessairement à une union syro-libanaise  ». Résultat : «  La nouvelle frontière internationale tranche dans une continuité géographique et humaine  ». En découpant jusqu’au territoire syrien durant le mandat, la rationalité sous-jacente était l’affaiblissement de la majorité musulmane sunnite, collectivement étiquetée «  nationaliste  ». Peut-être Hafez Al-Assad et son fils s’en souviendront-ils des années plus tard, avec la tentation d’un repli vers le pays alaouite qui a déjà existé de façon éphémère dans le passé, ainsi que nous le montre une facette de cette guerre entre le régime alaouite et la majorité sunnite.

UNE SÉPARATION IDÉOLOGIQUEMENT CONSTRUITE

Pour Picard, «  le propos provocateur (d’Assad père) a le mérite de rappeler que l’analyse du couple syro-libanais ne peut se limiter à une approche classique des relations internationales, même si celle-ci permet de mettre en lumière la concurrence des projets étatiques de Beyrouth et de Damas, la multiplicité des sujets de conflit de souveraineté entre les deux capitales et le caractère inachevé de leur séparation en deux États en principe également souverains  ». Analysant par le bas les dynamiques à l’œuvre dans l’espace syro-libanais, l’auteure fait appel à une approche sociologique et anthropologique en se focalisant sur l’époque ottomane qui a forgé «  une sensibilité partagée, une culture et des ‟arts de faire” collectifs qui imprègnent la sphère publique  ».
Il n’empêche. «  Juridique avec la création d’une frontière internationale en 1920, historique à travers la trajectoire de deux régimes politiques qui se distancient de plus en plus, imposée par la puissance coloniale et entérinée par les élites préoccupées d’asseoir leur domination, la séparation syro-libanaise prend (avec les années et au gré des crises multiples économiques, monétaires, politiques) une dimension idéologique qui s’épaissit...  ». Et «  dans chaque pays, les politiques étatiques formatent une structure sociale et économique qui conditionne à son tour des besoins et des aspirations spécifiques  ». Guerre froide mondiale et guerre froide interarabe, systèmes économiques divergents («  socialiste  » ou «  étatique  » pour l’un, libéral pour l’autre), ainsi que la crainte des coups d’État et des régimes militaires en Syrie, achèveront d’approfondir cette séparation, cependant sans jamais outrepasser ses limites. Elle a entraîné une guerre civile de quinze ans et des bouleversements dans les relations entre le Liban et son grand frère syrien.

PRÉDICTIONS DE DÉMEMBREMENT  ?

«  Trois versions de l’identité libanaise méritent d’être examinées au regard des relations avec la Syrie : le Liban, foyer nationalpour les chrétiens dans un Orient arabe et musulman  ; le Liban du pacte national fondé sur l’équilibre entre aspirations antagonistes de ses populations chrétiennes et musulmanes, et le Liban pluriel régi par le communautarisme politique  », Hafez Al-Assad imprimant sa marque sur cette troisième formulation, avec les amendements constitutionnels signés à Taëf qui mettent fin à l’épisode de la guerre.
Aujourd’hui, alors que le Liban est déchiré et sans gouvernement car paralysé par la guerre multiforme en Syrie, comment penser l’avenir  ? L’auteure conseille d’éviter de se laisser obnubiler par les tendances immédiates. «  L’observation de la géographie économique et démographique du Liban et de la Syrie suggère d’accueillir avec circonspection les prédictions de démembrement territorial au profit de micropouvoirs adossés à des patrons extérieurs  ». «  Même si nous ne savons pas ce qui adviendra du Liban et de la Syrie, nous savons qu’il en va de l’avenir commun des Libanais et des Syriens, ces intimes étrangers  », conclut Élizabeth Picard.