lundi 8 octobre 2012

Zawaq, Guide des vins du Liban

Zawaq, Guide des vins du Liban

La renaissance des vins libanais

Ariane QuentierJournaliste et consultante
La renaissance des vins libanais
Publication: 08/10/2012 06:00

Baalbek, l'antique cité romaine nichée au cœur de la Bekaa, est la capitale du vin libanais et... du très pro-iranien "Hezboland", le pays du Hezbollah. A l'entrée de la ville, les drapeaux noirs du Hezb et les portraits d'imams enturbannés côtoient tout naturellement les massives colonnes du temple de Bacchus, unique bâtiment romain jamais dédié au Dieu du vin, des plaisir et autres débordements sexuels. Majestueux, intact, patrimoine mondial de l'humanité, le monument semble présider aux destinées des terres chiites...

"Quel clin doeil ! C'est tout le Liban et ses ambigüités !" s'amuse Muriel Rozelier (1), auteur de "Zawaq, Guide des vins du Liban", première Bible du genre présentée à Beyrouth et maintenant à Paris (2). Nous parlons d'une région où l'alcool devrait être banni, "harram", interdit par le Coran. Mais voilà, non seulement le temple de Bacchus est dédié à l'ivresse mais à quelques kilomètres d'ici s'étendent les vignobles de la Bekaa, berceau historique de la production viticole libanaise".

En dépit d'un parcours tourmenté, la vigne libanaise se porte à merveille. L'histoire commence il y a trois millénaires quand Cananéens puis Phéniciens s'essaient à un "vin pourpre du Mont-Liban" dont l'existence est attestée par des fresques découvertes dans les tombaux de la Vallée des Rois en Haute Egypte. La Grèce Antique, les Romains puis les premiers chrétiens perpétuent la tradition jusqu'à l'arrivée des empires musulmans. Le rideau tombe alors sur une culture viticole qui ne disparait pas pour autant.

La renaissance du vin sera le fait des Jésuites qui s'installent dans la Bekaa au 19ème siècle. Nécessités spirituelle et liturgique obligent, le vin de la Messe et le sang du Christ coulent en terre libanaise... Accompagnés d'un mercantilisme de bon aloi puisqu'il s'agit d'alimenter la consommation des soldats français déployés en 1860 - déjà - pour protéger les chrétiens libanais. Château Ksara s'impose comme un must jamais démenti, toujours numéro un des crus locaux avec 2,7 millions de bouteilles vendues en 2011 et 70,000 touristes déambulant dans les caves souterraines du domaine.

Deuxième tomber de rideau avec la guerre civile (1975-1990) - et une baisse quantitative et qualitative de la production. Mais depuis la fin du conflit, la viticulture libanaise connait une croissance exponentielle, multipliée par quatre en dix ans. Le vignoble s'étend sur près de 3000 hectares pour s'accroître annuellement de 100 à 150 hectares. La production est passée de 5 millions de cols en 2000 à 8 millions en 2011, le nombre de châteaux de trois à quarante. Grâce à son terroir d'exception, ses températures élevées et son ensoleillement maximum, le Liban a "de quoi produire des vins brillants notamment sur le segment des rouges moyens à haut de gamme qui peuvent rivaliser sans complexe avec d'autres productions", lit-on encore dans le précieux Guide.

Le vignoble serait-il l'avenir du Liban ? "En tous les cas, c'est la seule filière agricole qui fonctionne" constate encore Muriel Rozelier qui y verrait bien une culture de substitution pour remplacer le hachich aujourd'hui illégal. Selon l'ONU, le Pays du Cèdre est aussi celui de la "dope" : un des cinq premiers producteurs mondiaux de cannabis. Depuis 92, les campagnes d'éradication se sont succédé provoquant la colère des locaux qui voient partir en fumée leur seul moyen de subsistance. Mais le Liban est une nouvelle fois rattrapé par son confessionnalisme politique. Difficile en effet au ministre de l'agriculture, un chiite de la Bekaa membre du Hezbollah, de promouvoir la vigne et ses dérivés, aussi rentables soient-ils, pour remplacer le hachich... Impasse donc alors qu'en août dernier forces militaires d'éradication et métayers chiites en arrivaient aux armes, à quelques encablures seulement des fertiles vignobles travaillés en grande partie, mais pas exclusivement, par les paysans chrétiens.

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(1) Muriel Rozelier est également l'auteur d'une Vie de Pintades à Beyrouth (Calman-Levy)
(2) Office du Tourisme

Zawaq, Guide des vins du Liban, Editions Le Commerce du Levant et Tamyras- Office du Tourisme du Liban, Paris. Guide bilingue Direction de l'ouvrage : Sibylle Rizk et texte : Muriel Rozelier

http://www.huffingtonpost.fr/ariane-quentier/vin-liban_b_1938568.html


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