Si le Liban m'était conté
Avant de créer la terre, le Seigneur fit d'abord le Liban comme prototype de perfection... Il est de fait que notre Liban présente un contraste étrange avec le reste du Moyen-Orient. Il ne ressemble à aucun de ses proches voisins, ne vote ni ne réagit comme eux.
Dans une région caractérisée par des déserts plats, brûlants et sans eaux abondantes, ses forêts encore oasis de fraîcheur, avec ses montagnes de plus de 3000 mètres, ses eaux abondantes, ses forêts encore verdoyantes malgré les incendies. Son manteau de neige abondante est d'une telle profusion que le pays depuis plusieurs décennies est devenu un centre de sports d'hiver. On peut se croire en Suisse ou sur la Riviera et l'on n'est point surpris de s'entendre dire que, selon une légende libanaise, c'est là que se trouvait le paradis terrestre et non sur ce territoire aujourd'hui tellement désolé de l'Irak où, généralement, on le situait. Jamais les habitants de l'antique Phénicie n'ont rompu les liens qui, depuis les croisades, les unissent à l'Occident et aujourd'hui à l'Orient. Les habitants du Liban se disent arabes, parlent l'arabe et font partie de la Ligue arabe au même titre que les autres habitants des pays arabes. Le Liban est l'État du Proche-Orient où prédominent la chrétienté et l'islam, deux grandes communautés vivant ensemble, en union, la main dans la main.
De tous les pays arabes, le Liban est sans contexte le plus cultivé. Il est aussi le premier sur le plan culturel et le plus évolué sur le plan technique et commercial. Les femmes libanaises étaient les premières de tout le Moyen-Orient à obtenir le droit de vote. Le Liban possède, en outre, des bâtiments d'une architecture si hardie qu'on vient de l'étranger les étudier, immeubles ultramodernes construits après les années de guerre. Sa démocratie, de style occidental, est, en dépit de quelques imperfections, la mieux établie du monde arabe.
Aucun autre sol au monde n'est sans doute plus riche en souvenirs historiques. Ici vécurent nos plus prestigieux ancêtres libanais, ceux qui s'appelaient cananéens, ainsi que les nomme également la Bible, et dont la plupart des historiens n'ont retenu que le nom ultérieur de «Phéniciens». Dans cet étroit mais opulent couloir s'élèvent nos métropoles: Tyr, Sidon et Byblos. Contiguë à cette bande côtière se trouve la région haute, rocailleuse, désolée et magnifique dont la Bible chante si souvent les louanges : les monts du Liban. À la neige qui les couronne, le pays tout entier doit son nom (qui procède de la racine verbale sémitique «laban», «être blanc») et les Libanais se disent encore, non sans fierté, «fils de la montagne». Et c'est sur ses flancs que croissait — et croît encore – le symbole national, le fameux cèdre du Liban auquel ce pays doit sa première mention dans l'histoire (on en trouve trace dans les hiéroglyphes égyptiens, vers l'an 2650 avant J-C, lorsqu'un pharaon fit venir de Phénicie 40 navires chargés de cèdres), la première chose que de nos jours demandent à voir les touristes étrangers.
Au-delà de cette montagne s'étend cette merveilleuse et haute vallée qu'est la Békaa, célèbre depuis le début des temps historiques pour son incomparable fertilité. On dit que Caïn et Abel y vécurent et la légende libanaise veut que l'arche de Noé s'y soit arrêtée. On vous y montrera même la tombe du patriarche.
La couche, la moins importante, stérile et désolée, produit bien peu. Mais c'est sur son territoire que court la frontière qui sépare le Liban de la Syrie et c'est là que naît le Jourdain, le fleuve sacré.
Baalbeck (l'ancienne Héliopolis), qui se dresse comme une cité de rêve au cœur de la vallée plate et riche de la Békaa, a de tout temps été une ville sainte. Selon la légende elle fut bâtie par Caïn centre trente-trois ans après la création et elle était peuplée de géants dont les péchés furent la cause du déluge. Ses temples magnifiques, dédiés à Jupiter, à Vénus, à Mercure, furent construits par les empereurs romains dès les Ier et IIe siècles après J-C. On dit d'eux, avec tout juste une légère pointe d'exagération, qu'ils étaient «les plus émouvants de tous les vestiges romains, y compris Rome elle-même». Ces ruines majestueuses constituent le plus étonnant des théâtres, où se déroule le Festival annuel de Baalbeck, qui chaque année (sauf exception en 2013) attire une foule plus en plus nombreuse. Les plus célèbres orchestres, musiciens et troupes théâtrales d'Europe y jouent dans l'incomparable décor de ces temples subtilement éclairés dans la nuit orientale.
Byblos (l'actuelle Jbeil) est aujourd'hui une petite ville côtière qui prétend être le lieu de la terre le plus anciennement habité en permanence. Les archéologues, en fouillant son sol, ont successivement mis au jour les traces de quantité de civilisations pour découvrir finalement des ruines datant d'au moins trois mille deux cents ans avant l'ère chrétienne. C'est du nom de cette ville que nous vient le mot «Bible». Byblos était célèbre jadis pour les papyrus qu'elle exportait et les Grecs avaient pris l'habitude de nommer «biblion» tous les livres en papyrus. Et, par un détour étymologique, l'appellation «le Livre» est devenu «la Bible».
L'Occident doit une incroyable quantité de bienfaits à cette minuscule bande côtière. Les Phéniciens en effet lui ont légué l'usage de la longitude, de la latitude et des cartes marines, ainsi que l'emploi de la pourpre pour les personnes de haut rang et probablement aussi la culture de l'olivier et de la vigne. Ils lui ont également transmis un système de numération duodécimal qui emploie 12 comme base au lieu de 10 et dont on retrouve trace dans les «12 pouces du pied de mesure», dans les «12 mois de l'année», «les 12 pence du shilling anglais». Ils ont même donné son nom à l'Europe, car, selon la mythologie, Europe était une princesse phénicienne.
Mais le plus important des dons que nous fit cette région de la terre, nous le retrouvons dans chacune des lettres que nous lisons et écrivons présentement: l'alphabet. Par ailleurs, le christianisme prit très tôt racine dans ce pays. Le Christ, se dirigeant vers le Nord, vint jusqu'à Sidon, ville près de laquelle «il chassa les démons du corps d'une jeune fille». Tyr se vantait de posséder la première communauté chrétienne qui ait reçu la visite de saint Paul, auteur des Épîtres, base de la théologie.
Depuis quatre mille ans les habitants de ce pays ont la réputation d'être avant tout des commerçants. Personne au monde, s'émerveillaient à dire les étrangers vivant à Beyrouth, ne peut battre un Libanais en affaires!
Les Libanais réussissent si bien dans le métier d'intermédiaire qu'ils répugnent à engager de gros capitaux à longue échéance pour un revenu relativement modeste, ce qu'exigerait par exemple l'équipement industriel du pays. C'est pourquoi le Liban ne possède que des industries légères : alimentation, confiserie, habillement, brasserie, grande quantité d'usines textiles, cimenterie, etc.
«Jetez une pierre sur n'importe quelle foule à Beyrouth, prétend un dicton, et vous êtes sûr d'atteindre au hasard un religieux ou un moine.» Il est de fait qu'il n'existe probablement pas de pays aussi petit qui présente une mosaïque aussi fantastique de religions, de rites et de sectes.
C'est, en dehors de Rome, la seule ville qui entretient une véritable armée d'archevêques, d'archimandrites, d'ulémas, d'imams et de patriarches. Le Liban est aujourd'hui la plaque tournante et la charnière du Moyen-Orient.
Sylvain THOMAS
Dans une région caractérisée par des déserts plats, brûlants et sans eaux abondantes, ses forêts encore oasis de fraîcheur, avec ses montagnes de plus de 3000 mètres, ses eaux abondantes, ses forêts encore verdoyantes malgré les incendies. Son manteau de neige abondante est d'une telle profusion que le pays depuis plusieurs décennies est devenu un centre de sports d'hiver. On peut se croire en Suisse ou sur la Riviera et l'on n'est point surpris de s'entendre dire que, selon une légende libanaise, c'est là que se trouvait le paradis terrestre et non sur ce territoire aujourd'hui tellement désolé de l'Irak où, généralement, on le situait. Jamais les habitants de l'antique Phénicie n'ont rompu les liens qui, depuis les croisades, les unissent à l'Occident et aujourd'hui à l'Orient. Les habitants du Liban se disent arabes, parlent l'arabe et font partie de la Ligue arabe au même titre que les autres habitants des pays arabes. Le Liban est l'État du Proche-Orient où prédominent la chrétienté et l'islam, deux grandes communautés vivant ensemble, en union, la main dans la main.
De tous les pays arabes, le Liban est sans contexte le plus cultivé. Il est aussi le premier sur le plan culturel et le plus évolué sur le plan technique et commercial. Les femmes libanaises étaient les premières de tout le Moyen-Orient à obtenir le droit de vote. Le Liban possède, en outre, des bâtiments d'une architecture si hardie qu'on vient de l'étranger les étudier, immeubles ultramodernes construits après les années de guerre. Sa démocratie, de style occidental, est, en dépit de quelques imperfections, la mieux établie du monde arabe.
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Aucun autre sol au monde n'est sans doute plus riche en souvenirs historiques. Ici vécurent nos plus prestigieux ancêtres libanais, ceux qui s'appelaient cananéens, ainsi que les nomme également la Bible, et dont la plupart des historiens n'ont retenu que le nom ultérieur de «Phéniciens». Dans cet étroit mais opulent couloir s'élèvent nos métropoles: Tyr, Sidon et Byblos. Contiguë à cette bande côtière se trouve la région haute, rocailleuse, désolée et magnifique dont la Bible chante si souvent les louanges : les monts du Liban. À la neige qui les couronne, le pays tout entier doit son nom (qui procède de la racine verbale sémitique «laban», «être blanc») et les Libanais se disent encore, non sans fierté, «fils de la montagne». Et c'est sur ses flancs que croissait — et croît encore – le symbole national, le fameux cèdre du Liban auquel ce pays doit sa première mention dans l'histoire (on en trouve trace dans les hiéroglyphes égyptiens, vers l'an 2650 avant J-C, lorsqu'un pharaon fit venir de Phénicie 40 navires chargés de cèdres), la première chose que de nos jours demandent à voir les touristes étrangers.
Au-delà de cette montagne s'étend cette merveilleuse et haute vallée qu'est la Békaa, célèbre depuis le début des temps historiques pour son incomparable fertilité. On dit que Caïn et Abel y vécurent et la légende libanaise veut que l'arche de Noé s'y soit arrêtée. On vous y montrera même la tombe du patriarche.
La couche, la moins importante, stérile et désolée, produit bien peu. Mais c'est sur son territoire que court la frontière qui sépare le Liban de la Syrie et c'est là que naît le Jourdain, le fleuve sacré.
Baalbeck (l'ancienne Héliopolis), qui se dresse comme une cité de rêve au cœur de la vallée plate et riche de la Békaa, a de tout temps été une ville sainte. Selon la légende elle fut bâtie par Caïn centre trente-trois ans après la création et elle était peuplée de géants dont les péchés furent la cause du déluge. Ses temples magnifiques, dédiés à Jupiter, à Vénus, à Mercure, furent construits par les empereurs romains dès les Ier et IIe siècles après J-C. On dit d'eux, avec tout juste une légère pointe d'exagération, qu'ils étaient «les plus émouvants de tous les vestiges romains, y compris Rome elle-même». Ces ruines majestueuses constituent le plus étonnant des théâtres, où se déroule le Festival annuel de Baalbeck, qui chaque année (sauf exception en 2013) attire une foule plus en plus nombreuse. Les plus célèbres orchestres, musiciens et troupes théâtrales d'Europe y jouent dans l'incomparable décor de ces temples subtilement éclairés dans la nuit orientale.
Byblos (l'actuelle Jbeil) est aujourd'hui une petite ville côtière qui prétend être le lieu de la terre le plus anciennement habité en permanence. Les archéologues, en fouillant son sol, ont successivement mis au jour les traces de quantité de civilisations pour découvrir finalement des ruines datant d'au moins trois mille deux cents ans avant l'ère chrétienne. C'est du nom de cette ville que nous vient le mot «Bible». Byblos était célèbre jadis pour les papyrus qu'elle exportait et les Grecs avaient pris l'habitude de nommer «biblion» tous les livres en papyrus. Et, par un détour étymologique, l'appellation «le Livre» est devenu «la Bible».
L'Occident doit une incroyable quantité de bienfaits à cette minuscule bande côtière. Les Phéniciens en effet lui ont légué l'usage de la longitude, de la latitude et des cartes marines, ainsi que l'emploi de la pourpre pour les personnes de haut rang et probablement aussi la culture de l'olivier et de la vigne. Ils lui ont également transmis un système de numération duodécimal qui emploie 12 comme base au lieu de 10 et dont on retrouve trace dans les «12 pouces du pied de mesure», dans les «12 mois de l'année», «les 12 pence du shilling anglais». Ils ont même donné son nom à l'Europe, car, selon la mythologie, Europe était une princesse phénicienne.
Mais le plus important des dons que nous fit cette région de la terre, nous le retrouvons dans chacune des lettres que nous lisons et écrivons présentement: l'alphabet. Par ailleurs, le christianisme prit très tôt racine dans ce pays. Le Christ, se dirigeant vers le Nord, vint jusqu'à Sidon, ville près de laquelle «il chassa les démons du corps d'une jeune fille». Tyr se vantait de posséder la première communauté chrétienne qui ait reçu la visite de saint Paul, auteur des Épîtres, base de la théologie.
Depuis quatre mille ans les habitants de ce pays ont la réputation d'être avant tout des commerçants. Personne au monde, s'émerveillaient à dire les étrangers vivant à Beyrouth, ne peut battre un Libanais en affaires!
Les Libanais réussissent si bien dans le métier d'intermédiaire qu'ils répugnent à engager de gros capitaux à longue échéance pour un revenu relativement modeste, ce qu'exigerait par exemple l'équipement industriel du pays. C'est pourquoi le Liban ne possède que des industries légères : alimentation, confiserie, habillement, brasserie, grande quantité d'usines textiles, cimenterie, etc.
«Jetez une pierre sur n'importe quelle foule à Beyrouth, prétend un dicton, et vous êtes sûr d'atteindre au hasard un religieux ou un moine.» Il est de fait qu'il n'existe probablement pas de pays aussi petit qui présente une mosaïque aussi fantastique de religions, de rites et de sectes.
C'est, en dehors de Rome, la seule ville qui entretient une véritable armée d'archevêques, d'archimandrites, d'ulémas, d'imams et de patriarches. Le Liban est aujourd'hui la plaque tournante et la charnière du Moyen-Orient.
Sylvain THOMAS
Envoyé de mon Ipad
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