25/3/2014-«La Vierge et l'Enfant» sort de l'ombre et s'installe au Musée national
Papo Silène et la lionne de Chehim
Inaugurée le 29 août dernier par le ministre Gaby Layoun, en présence des deux enfants de l'émir, Walid et Ziad Chéhab, la salle abrite 22 pièces archéologiques dont certaines s'offrent au regard pour la première fois. Notamment le chapiteau en marbre qui ornait la basilique byzantine de Tyr; l'aigle en pierre calcaire datant de l'époque romaine, dévoilé lors des opérations de fouilles urbaines à Beyrouth, dans les années 90; ou encore le bas-relief sculpté dans le marbre de Papo Silène. Ivre mort, le ventre bedonnant, ce dernier est représenté avec son animal attribut: la panthère. À côté, sur une mosaïque provenant de Tyr, figure le même Papo Silène brandissant le canthare de vin et chevauchant sa panthère. Exhumé lors des travaux d'infrastructure menés dans le secteur de Zokak el-Blatt en 2010, le bas-relief avait servi de dalle pour une canalisation ottomane, révèle Anne-Marie Affeiche, conservatrice du Musée national.
Les explorations réalisées les vingt dernières années ont aussi livré de spectaculaires mosaïques, dont la Lionne qui décorait le chœur de la basilique de Chehim (VIe siècle). Elle a été dégagée en 1996 par une équipe d'archéologues polonais, libanais et français travaillant dans l'arrière-pays de Saïda. Un autre tapis de tesselles colorées décrit une scène nilotique, où sont représentés le dieu Nilos hissé sur un hippopotame et tenant une corne; un putto (enfant nu) gravant le niveau de la crue sur un nilomètre; et deux autres putti actionnant une barque au milieu de crocodiles, d'oiseaux et de poissons. Un paysage égyptien évocateur de prospérité et d'abondance. La pièce provient d'un quartier d'habitat romano-byzantin, comportant plusieurs maisons richement pavées en mosaïques, mis au jour au centre-ville, dans le secteur Starco, en 1994.
À l'honneur également, des mosaïques exposées par le passé mais qui n'avaient plus été vues du public depuis 1975, notamment la mosaïque relatant façon BD les conquêtes amoureuses de Jupiter (époque romaine) et celle du Bon Pasteur entouré des animaux du paradis. Cette pièce byzantine, découverte à Jnah dans les années soixante, garde trace d'un «œil de cible» qui rappelle les vestiges de la guerre civile et l'occupation du musée par une milice. L'ensemble de la collection a été nettoyé et consolidé par la spécialiste Isabelle Doumit Skaff et son équipe.
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Le mécénat et l'application pour Smartphone
Un fait rare au Liban qu'Anne-Marie Affeiche souhaiterait centupler: le mécénat privé qui apporte sa contribution financière à la remise en état d'une statue ou objet parmi les tonnes de vestiges qui, faute de budget, dorment dans les dépôts de la DGA en attendant leur restauration. Celle de la fresque de La Vierge et l'Enfant a été rendue possible grâce à la générosité de May Mikati, épouse de l'ancien Premier ministre. La peinture qui avait subi des dégâts consécutifs au taux d'humidité tout au long des années de guerre ornait le mur nord d'une petite chapelle à nef unique mis au jour en 1942, à la rue des Banques lors de la construction d'un immeuble.
Alors que traditionnellement elle est vêtue de bleu, la Vierge est exceptionnellement en robe verte ; assis à ses côtés, un personnage en blanc au visage irrémédiablement illisible et dont les proportions apparaissent plus importantes que celles de la Sainte Vierge. Qui peut-il être? «L'historienne Ray Jabre pense qu'il s'agit du Saint Sauveur dont l'église n'a jamais été découverte à Beyrouth», rapporte Mme Affeiche. La peinture qui porte un petit tesson de céramique «glaçurée», typique de la période mamelouke, date du XIIIe siècle. L'iconographie fera l'objet d'une étude qui sera publiée dans la revue Baal, éditée par la DGA.
«Long et compliqué», selon Mme Affeiche, le travail de restauration a été exécuté par le spécialiste italien Giorgio Capriotti. «Respectant l'authenticité de la pièce, refusant d'imaginer les éléments manquants ou de traiter les lacunes picturales, Capriotti a employé la technique du traçage (tracegio) pour redessiner les lignes visibles.» La fresque a été ensuite montée sur un support «nid d'abeilles» tout à la fois léger et solide.
Par ailleurs, vous pouvez découvrir n'importe où, n'importe quand, la collection du musée avec les commentaires (en trois langues) de la visite grâce à l'application iPhone ou Smartphone financée par Antoine et Samia Meguerdiche. L'application sera disponible à partir du mois de mai.
(Pour mémoire : Et vogue la Bibliothèque nationale... à la dérive)
La coopération italienne au Liban
D'autre part, la collaboration entre la Direction générale des antiquités et le bureau de la coopération italienne au Liban se poursuit. Après la restauration en 2010-2011 des fresques de la tombe de Tyr, un chef-d'œuvre de l'art funéraire romain du IIe siècle de notre ère, les Italiens débloquent une nouvelle enveloppe pour étendre l'aménagement muséographique à tout l'étage du sous-sol. Le projet comprendra des installations illustrant les pratiques funéraires et leur évolution à travers les grandes périodes de l'Antiquité; une sélection de bijoux et vases en verre ou terre cuite provenant des fouilles récentes d'Achrafieh (zone des nécropoles) et une exposition de trente sarcophages anthropoïdes datés du VIe au IVe siècle avant J-C. Le parcours s'achèvera par la présentation d'un magnifique échantillon de vêtements remontant à l'époque mamelouke, trouvés en 1989-1991 dans la grotte de Assi el-Hadath, dans la vallée de la Qadisha. Rappelons que la grotte, explorée par le Groupe d'études et de recherches souterraines du Liban (GERSL), avait livré les premières momies (et peut-être les seules) du peuple maronite médiéval: trois femmes adultes, cinq fillettes (18 mois à quatre ans) et un nourrisson (quatre mois), naturellement momifiés, dormant d'un sommeil profond depuis 800 ans.
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