Beyrouth, mardi 6 h 30. Deux autocars attendent les derniers retardataires pour prendre la direction de Nabatiyeh. Objectif : visiter les vieilles demeures de la ville, dans le cadre des Journées du patrimoine national.
Cette ville est le point intermédiaire du Liban-Sud et bénéficie depuis toujours d'une situation géographique qui faisait d'elle une liaison directe entre les villages de Jabal Amel, de la Syrie et de la Palestine. Elle constitue la première destination de ces journées qui s'étalent sur quatre jours. Elles sont organisées en partenariat avec l'Association de protection des sites et des anciennes demeures (Apsad) et le ministère de la Culture, et elles sont l'occasion de découvrir (ou redécouvrir) des paysages étonnants, des vestiges chargés d'histoire et des vieilles demeures libanaises typiques. « Les Journées du patrimoine sont importantes, elles sont le vecteur de l'identité du pays », affirme Gladys, membre de l'Apsad.
Dans la petite bibliothèque à l'entrée de la ville, Abbas Wehdé, responsable culturel de la municipalité, accueille le petit groupe de touristes. Pharmacien de formation, Abbas a écrit un livre sur le héros de la ville, Hassan Kamel el-Sabbah, émigré aux États-Unis, où il a travaillé pour la General Electric Company.
Après une courte présentation du personnage, quasiment inconnu aujourd'hui au Liban, Abbas Wehdé accompagne le petit groupe dans les ruelles de la vieille ville avec un constat désespéré : « Nous essayons de faire de notre mieux pour préserver les vieilles demeures, mais ce ne sont plus les municipalités qui détiennent le pouvoir aujourd'hui. »
Le petit souk du centre-ville a été rénové, mais la vieille ville disparaît peu à peu. « Les vieilles maisons ne sont plus entretenues, les habitants n'ont pas conscience de la richesse qu'elles représentent et préfèrent les vendre aux premiers investisseurs venus, déplore Gladys. Nous sommes peut-être parmi les derniers à voir ce qui reste. »
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La nostalgie du bon vieux temps
La ville moderne ne présente plus beaucoup d'intérêt, victime d'une urbanisation non planifiée et archaïque, comme la plupart des villes libanaises. « Le souk me fait beaucoup penser à Damas, se souvient une femme du groupe. Il y aussi beaucoup de magasins et de monde dans les rues... C'était comme ça à Beyrouth avant que la ville ne soit bétonnée. Petite, j'accompagnais ma mère dans le souk. » Un sentiment de nostalgie qui semble être partagé parmi ces amoureux du pays : « Le Liban on l'aime autant qu'on le déteste », lance un autre participant. « Heureusement qu'il nous reste la nature pour nous évader des villes », s'exclame une autre femme.
Une nature remarquable à laquelle la vallée de Nabatiyeh ne fait pas exception. Après la visite de la ville, le cortège reprend la route, direction la forteresse de Beaufort et sa vue à 360° au-dessus de la rivière Litani. « D'ici, on voit Chypre et Israël, explique le guide. C'est un point stratégique, longtemps occupé par diverses forces armées. » Le château de Beaufort est une véritable merveille, construit par les croisés au XIIe siècle. Étendu sur 1 300 m2, l'édifice était une des forteresses les plus importantes de la route de la Galilée. Construit sur un précipice rocheux, la vue est imprenable sur la vallée. « À l'époque, la montagne de Marjeyoun était peuplée d'une immense forêt de cèdres, ce qui en faisait un endroit très prisé des conquérants à la recherche de bois précieux », précise le guide.
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« Je suis venu pour la première fois au château de Beaufort avant la guerre, raconte un vieil homme. Je voulais voir dans quel état il se trouvait après les bombardements israéliens. » Lieu de retrait des fedayins palestiniens, la forteresse a été bombardée en 1982 par l'armée israélienne, qui en occupera les lieux jusqu'en 2000. L'édifice a été fortement endommagé par les bombardements et les occupations successives, occasionnant la destruction des éléments médiévaux. Il reste, néanmoins, un des sites les plus fascinants de la région.
La journée s'est terminée par la visite de deux maisons traditionnelles en pierre, dans un quartier de Nabatiyeh. Accueilli chaleureusement par les familles qui résident dans ces vieilles bâtisses, le petit groupe de visiteurs a pu se restaurer, entre prunes et chocolats, avant de reprendre la route pour Beyrouth.
Le saviez-vous ? Le Liban a son Thomas Edison !
Il voulait « éclairer le désert de l'Orient ». C'est par ces mots qu'on fait référence à Hassan Kamel el-Sabbah. Né en 1895 à Nabatiyeh, il est à l'origine de 112 inventions dans le domaine de l'électricité.
Il a étudié à l'Université américaine de Beyrouth avant de faire son service militaire dans l'armée ottomane comme opérateur télégraphe. En 1921, il quitte le Liban pour les États-Unis où il étudie puis enseigne au Massachusetts Institute of Technology. En 1923, il est employé à la General Electric Company comme chercheur en mathématiques expérimentales. Il a été le premier à découvrir le principe de la fission nucléaire ainsi que le principe de l'énergie solaire et de la voiture électrique. Ses technologies sont appliquées dans les satellites et les vaisseaux spatiaux. En 1932, il est nommé « le plus jeune génie de l'Electrical Association ». Hassan Kamel el-Sabbah est décédé en 1935, dans un accident de voiture à New York.
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