Lebanese Diaspora Energy. 1 000 émigrés de 73 pays
Ils étaient plus d'un millier, venus de 73 pays des quatre coins du monde, à répondre présents à la conférence Lebanese Diaspora Energy de 2015, organisée par le ministère des Affaires étrangères sous la houlette du chef de la diplomatie, Gebran Bassil, du 21 au 23 mai à l'hôtel Habtoor.
La grande salle de bal était pleine à craquer ce jour-là. L'émotion était palpable, ainsi que la chaleur humaine et la flamme qui brillait dans les regards de ces émigrants, venus des confins de la terre, pour retrouver le Liban. Pour certains, c'était la terre où ils sont nés et qu'ils ont quittée depuis de nombreuses années. Pour d'autres, c'était la terre de leurs ancêtres, le pays dont on leur avait tellement parlé et dont la musique et les comptines ont bercé leur enfance. On entendait évidemment parler l'arabe, mais en circulant parmi les groupes on entendait aussi l'espagnol, l'anglais ou le portugais. Ils étaient tous heureux d'être là, malgré la longueur du voyage et la distance parcourue. Ils sont venus de très loin, d'Amérique latine, des Etats-Unis, d'Australie, mais aussi d'Europe et des pays arabes.
La délégation brésilienne compte 70 personnes dont six sénateurs et la mexicaine 45 personnes. Des Libanais qui appartiennent aux première, deuxième, troisième et quatrième générations d'émigrés. Le ministère a adressé les invitations aux ambassades qui les ont, à leur tour, dispatchées. Toutes les personnes venues au Liban ont payé elles-mêmes leurs billets d'avion et leur séjour à l'hôtel. Une preuve de leur attachement au Liban. Le ministre Gebran Bassil a personnellement contacté des centaines de personnes pour les presser de participer à cette manifestation. «Cette conférence a deux buts, celui de permettre aux émigrés de tisser des liens entre eux et aussi de placer le cadre adéquat pour les encourager à entamer des projets de coopération et d'échanges avec le Liban», confie un responsable. Tous ceux, à qui nous avons eu l'occasion de parler, ont témoigné de leur gratitude à l'égard de Bassil, confiant que pour la première fois dans les annales de la diplomatie libanaise une attention s'est manifestée envers les émigrés. «Pour la première fois, nous nous sentons concernés, comme si l'Etat libanais se souvenait enfin de nous».
Chacun des présents a une histoire et celles-ci ont un dénominateur commun, une «success story». Ils ont tous quitté le pays en quête d'un avenir et d'une vie meilleurs. Et ils ont tous réussi. Certains sont devenus de brillants diplomates, des ministres, des députés, des hommes d'affaires sur leurs terres d'accueil. Pendant trois jours, nombre d'entre eux ont raconté leurs histoires, partagé avec ceux qui sont restés leurs succès et leurs exploits au-delà des frontières. Souvent partis de rien, ils ont amassé de grosses fortunes et sont devenus des notoriétés. Aujourd'hui, ils sont là au chevet de leur pays d'origine, apportant leur expérience et leur savoir-faire pour le sortir de ses difficultés.
L'objectif principal de cette conférence est de mettre en valeur le succès des expatriés libanais, de les encourager à rester connectés à leur patrie, en célébrant le patrimoine libanais de manière à promouvoir une image positive du Liban dans le monde.
Témoignages émouvants
Pendant trois jours successifs, plus de 250 personnes ont parlé de leur expérience, raconté leur histoire. Chacun avec ses mots, chacun à sa façon. Maître de cérémonie de la séance d'ouverture, Georges Cordahi a précisé que cet «événement n'est pas un congrès mais de grandes retrouvailles». S'adressant aux émigrés, le ministre Gebran Bassil a déclaré: «Vous êtes les apôtres et les messagers du Liban, que vous avez porté dans votre cœur et dans votre conscience. Nous nous retrouvons aujourd'hui pour écrire un nouveau chapitre de l'histoire du succès du Liban. Nous nous retrouvons pour vivre notre identité libanaise sur le sol libanais. Nous avons conservé notre identité dans nos cœurs, dans notre sang et dans nos racines. Personne ne peut nous l'arracher, car elle est inscrite dans notre ADN. Celle-ci se renforce par la langue, l'acquisition de terrains et le recouvrement de la nationalité libanaise. Je ne vous promets pas de répondre à toutes les questions, mais je vous promets de vivre le rêve». Il s'est engagé aussi à faire pression pour l'adoption de la loi permettant aux émigrés de retrouver leur nationalité d'origine. «Grâce à vous, la superficie du Liban n'est plus de 10 452 km2, mais elle est celle du monde et ceci nous a inspiré le slogan: le monde est notre frontière».
Premier à prendre la parole, Thomas Barrack, executive chairman de Colony Capital. Il gère une organisation répandue dans 14 villes dans 10 pays. Président de Miramax films, il a servi dans l'Administration américaine du président Ronald Reagan. Nassim Taleb, visiblement très ému de parler, s'est exprimé en anglais. «J'ai quitté le Liban depuis plus de 40 ans et je n'ai plus l'habitude de parler en arabe», a-t-il commencé, avant d'affirmer que «la force des Libanais est de savoir comment traiter avec le chaos». Il a confié venir six fois par an au Liban et se rendre directement dans son village, Amioun.
Venant d'Afrique du Sud, un brillant homme politique, Michael Louis, a voulu rendre hommage à sa grand-mère libanaise qui lui a appris à prier. S'inspirant d'une leçon que le président Nelson Mandela lui a apprise, il s'est adressé au public disant: «Ne regardez pas ce qui vous divise. Regardez ce qui vous unit. Aucune personne ne naît sachant haïr. C'est par la suite qu'on apprend à haïr. Et si on peut apprendre à haïr, on peut alors apprendre à aimer».
Très émouvante fut l'intervention du professeur Philippe Salem, venu spécialement de Houston et toujours attaché à ses racines libanaises. Il a commencé son allocution estimant que si l'on va à Beyrouth, on va dans le monde. «Pour préserver le patrimoine, il faut sauvegarder la langue en créant des écoles libanaises dans les pays d'émigration pour apprendre la langue et connaître le patrimoine». Et c'est, sous une salve d'applaudissements, qu'il a terminé par ces quelques mots qui en disent long: «Je vous rappelle que vous appartenez à un peuple qui a beaucoup de fierté et d'orgueil. Quarante ans de guerre et on n'a jamais vu un mendiant libanais dans les rues de Damas, de Amman, de Paris, de Londres ou de New York. Quarante ans de guerre et on n'a jamais vu un réfugié libanais vivant de la charité des organismes internationaux dans un camp de réfugiés».
Joëlle Seif
La République de Bassil
Malgré le franc succès réalisé par le congrès Lebanese Diaspora Energy, sans aucun doute il fut aussi largement controversé et de nombreux diplomates et hauts fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères ont boycotté cette conférence. Plusieurs critiques ont été adressées au ministre Gebran Bassil et à son équipe qui ont écarté de l'organisation de nombreux responsables. Les proches du ministre Bassil ont mis ces critiques sur le compte de «simples différends politiques», alors que d'autres y ont vu un dépassement de ses prérogatives, mettant l'organisation de cette conférence de haute importance, à sa propre équipe, dont certains membres ne font même pas partie du corps diplomatique. Un haut responsable du ministère des Affaires étrangères a même déclaré que cette conférence était «illégale et non conforme à la loi», car elle a été organisée en dehors du cadre de l'administration, par une association patronnée par le ministre Bassil et qui est passée outre la direction des émigrés et le département de l'organisation des congrès. A tel point que le ministre de la Santé, Waël Abou Faour, a déclaré en arrivant en retard au Conseil des ministres: «J'ai quitté la république de Gebran Bassil pour venir à la République libanaise. Ce ministère appartient à l'Etat libanais et non à Gebran Bassil. Lorsque la direction est écartée de l'organisation, Bassil n'a plus le droit de dire que cette conférence est organisée par le ministère des Affaires étrangères». L'une des plus vives critiques adressées à Bassil a porté sur le caractère chrétien qu'a revêtu cette conférence organisée en collaboration avec l'Association maronite pour l'émigration et la Ligue maronite.
Envoyé de mon Ipad
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