Saint Maron, « l’Araméen errant », s’installe à demeure au Vatican
Par Fady NOUN23/02/2011
Ils ont aimé l'Europe et l'Afrique, ils ont adopté l'Amérique, ils ont embrassé l'Océanie mais ils se sont toujours sentis chez eux à Rome. Au lendemain de la fête de la Chaire de Pierre, les maronites suspendent leur marche de 1 600 ans pour jeter un regard sur leur histoire et mettre une stèle dans la terre de Dieu.
Alors que, par centaines, des maronites du monde entier affluent à Rome pour la bénédiction, ce matin, par Benoît XVI, d'une statue de saint Maron installée dans une niche du périmètre externe de la basilique Saint-Pierre, Mgr Edmond Farhat, nonce apostolique, a trouvé lundi les mots justes pour parler de ce moment exceptionnel.Prenant la parole au cours d'une conférence à trois voix dans la chapelle de l'École maronite, Mgr Farhat a trouvé les mots justes pour dire la symbolique de l'événement. « Les fils du moine, les fils de l'Araméen errant devenus une nation, se rassemblent de toutes les parts du monde dans la « kadech », le sanctuaire de la chrétienté, la Ville éternelle, pour vénérer leur patron et fondateur. »Hier, toujours en prélude à la cérémonie, un concert de musique sacrée occidentale et orientale a été organisé dans une basilique romaine, sous la conduite du père Toufic Maatouk, de l'ordre antonin, et avec les deux solistes Samar Salamé et Ghada Chbeir. Le chef de l'État, arrivé à Rome en fin d'après-midi, y a assisté. L'apothéose de ces préparatifs est prévue pour aujourd'hui.« Au lendemain de la fête de la Chaire de Pierre, ils suspendent brièvement leur marche de 1 600 ans pour jeter un regard sur leur histoire et mettre une stèle dans la terre de Dieu; une statue, un "mémorial" dans le flanc de la basilique Saint-Pierre », a ajouté le nonce libanais, devant un parterre d'évêques maronites venus du monde entier, de séminaristes, de journalistes et de membres du corps diplomatique, parmi lesquels se distinguait l'ancien ambassadeur d'Italie, un ami du Liban, Gabriele Cecchia. « Cette stèle, ils ne la veulent pas comme un souvenir ; ni comme un signe de survie, a encore lancé Farhat. Ils la veulent comme un symbole de fidélité dans la foi et de persévérance dans la mission. Ce qu'ils dévoilent, ce n'est pas un bloc de marbre dur et sourd mais un mémorial de la fidélité à Pierre et une incitation à ceux qui la regarderont. ». « Partis de Brad, des rives de l'Oronte, les fils du moine anachorète ont laissé les plaines de Syrie, escaladé les montagnes du Liban, assaini les grottes d'Ilij, de Qannoubine et habité Kfarhay, Mayfouq, Dimane et Bkerké. Ils ont aimé l'Europe et l'Afrique, ils ont adopté l'Amérique, ils ont embrassé l'Océanie, mais surtout ils se sont sentis chez eux à Rome, sans jamais oublier leur origine et leur tradition (...). Maintenant ils font une pause, ils érigent une stèle. » Mgr Farhat a eu l'audace d'ajouter que « ce qui arrive aujourd'hui au Moyen-Orient est l'expression d'une soif de liberté et d'émancipation, une soif de vérité et de justice, une soif de transcendance, une soif de Jésus-Christ ». Une soif que les maronites sont invités à apaiser « en esprit de service et de leadership et en bannissant toute crainte ».Sfeir ovationnéAu passage, Mgr Farhat a fait ovationner le patriarche Sfeir, qu'il a comparé à un grand cèdre dont la neige peut casser une branche, mais jamais empêcher que les oiseaux du ciel ne trouvent à son ombre leur abri. Avec sa modestie habituelle, et un sens de l'humour qui ne le quitte jamais, le patriarche a répondu par des gestes de la main et des sourires au tonnerre d'applaudissements qui a suivi ces mots, alors même qu'il vit - dans l'inquiétude, la sérénité, l'espérance ? - ses dernières semaines de patriarche en exercice. Avec Mgr Farhat, ont pris la parole le père Abdo Badaoui, professeur d'art sacré à l'USEK, et le père Sarkis Tabr. Le premier a brossé une passionnante esquisse de l'histoire des maronites dont un diplomate français a dit que « leurs crosses sont en bois, mais leur cœur est en or ». Il n'a pas caché leurs souffrances sous les Mamelouks, qui ont brûlé leur patriarche et ses moines à Ilige, ni les massacres de 1860 où en l'espace d'une semaine, 360 de leurs villages ont été incendiés, ni non plus celles de 1975, début de la guerre des autres sur leur territoire. Le second a parlé de l'École maronite, à Rome, comme d'un « lieu privilégié pour le dialogue des civilisations et des religions ». On ne le redira jamais assez combien les maronites ont été des « passeurs » entre l'Orient et l'Occident.Une communauté éprouvée C'est hélas une communauté éprouvée, dans un Liban profondément divisé, qui accueille ce moment solennel. À la place d'honneur, certes, siégera le président Michel Sleiman, arrivé avec son épouse. Il y aura aussi, au premier rang, Michel Eddé, patron de la Fondation maronite dans le monde, à qui l'on doit le retentissement mondial de cet événement. On y verra des ministres et des députés, Samy et Nadim Gemayel (Kataëb) , Antoine Zahra (Forces libanaises), Gebran Bassil, Simon Abi Ramia et Alain Aoun (CPL), Youssef Saadé (Marada). Mais pour ces présences, combien de sombres absences ?Car s'ils sont capables du meilleur, dans leur courage et leur générosité, les maronites sont aussi capables du pire. Leur fougue, leur individualisme, leurs inimitiés peuvent leur jouer des tours. L'atmosphère de fin de règne entourant la décision du patriarche de se décharger de ses fonctions nourrit toutes sortes de conduites déplacées. Une sorte de léthargie ferme les yeux des élites, que rien ne semble pouvoir réveiller. La cérémonie s'adresse aux pasteurs d'abord, mais parmi eux, laïcs ou clercs, certains se vantent d'être des démolisseurs, qui ignorent que le déshonneur de la tête rejaillit sur tout le corps et précipite leur propre honte.Heureusement, le garant des maronites, l'esprit de prière, celle des petits et des grands, veille et demeure le tuteur de ce rosier sauvage. Aux canonisations et béatifications ayant marqué les deux dernières décennies s'apprête à s'ajouter la reconnaissance des vertus héroïques du patriarche Doueyhi qui, du fond de la Vallée sainte, a soumis à son intelligence l'histoire des maronites. Des maronites aussi bien à l'aise en Orient qu'en Occident, étant nés avant le grand schisme qui a déchiré l'Église. Dans la liberté des enfants de Dieu mais dans le désordre des enfants des hommes, ce n'est pas la pierre que célèbrent aujourd'hui les maronites, mais la foi d'airain née sous les intempéries de Syrie, les forges de l'errance puis les falaises abruptes de la Vallée sainte. Nul doute que cette foi dans la grâce prévenante de Dieu qui les a menés depuis 1 600 ans saura leur éviter « de finir dans la chair ce qu'ils ont commencé dans l'Esprit ».Demain, apprend-on, le chef de l'État sera reçu par le pape. Beaucoup mettent un espoir irraisonné dans une démarche de réconciliation qui aurait pour pivot la présence de députés de tous bords au Vatican.
Réactions des internautes à cet article
- Je voudrais trouver les mots justes pour remercier Fady Noun qui se montre ici notre digne porte-parole. Il est originaire de Michmich; je suis originaire d'un village proche; entre nos deux villages, N.-D. d'Ilij. Merci à vous Fady. Après les éloges décernés à nos ancêtres, vous n'avez pas tu les complicités du vieil homme qui ont toujours habité les Maronites et qui se manifestent aujourd'hui au grand jour. Puissions-nous accepter de nous convertir pour récupérer la fidélité à nos racines.Louis WEHBE
- Même si tous les chemins mènent à Rome, et à l'heure où les minorités du Moyen Orient sont entrain de déserter leurs pays, ne saurait-ce été plus utile d'ériger la stèle de St Maron au Liban et laisser le Vatican donner plus de confiance sur la foi chrétienne sur notre terre et prôner ainsi la réconciliation de toutes les confessions dans notre pays ?.Antoine SABBAGHA
- M. Sabbagha...oui...et non! parceque la stèle de Mar Maroun au Liban existe, qu'elle est insurpassable, majestueuse et indestructible...Elle est dans nos coeurs, dans notre foi(pour les croyants),et surtout inscrite à jamais dans les contreforts de la vallée de la Kadhisa, la Vallée Sainte...aucun monument, aussi gigantesque soit-il, ne rendra mieux hommage à Mar Maroun que ce que Dieu lui-même a créé(pour les croyants) et que ce que des générations ont bâti et sculpté dans la roche éternelle. Il suffit de tourner son regard vers ce mémorial qui raconte 15 siècles de Mar Maroun !Christian GEDEON
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