28/5/2013-Sortir des sentiers battus du Liban-Sud | Politique Liban | L'Orient-Le Jour
« Le but est de découvrir notre patrimoine archéologique, mais aussi des régions méconnues à travers leurs villages et leurs traditions. » Tel est le leitmotiv de l'Association pour la protection des sites et des anciennes demeures au Liban (Apsad), fondée en 1960 par lady Yvonne Sursock Cochrane.
Il est 6h30 lorsque le départ est donné de la rue Sursock, à Beyrouth. Direction Sarafand, au nord de la ville phénicienne de Sarepta.
9h30 : première escale dans cette ville fortifiée et renommée pour son activité de soufflage du verre. Venus en curieux, les Libanais rencontrent Ali Khalifé, son magasin et son atelier. C'est le seul souffleur de verre du Liban qui existe encore aujourd'hui. Il explique tout le processus entre deux fours de son atelier. Il recycle le verre qu'on lui rapporte – bouteilles, verres cassés etc. – et le fait chauffer dans son petit four à 2 000°. Le soleil et la bonne humeur sont au rendez-vous.
Ghassan Yazbek, membre de l'Apsad, est le guide et l'organisateur de cette journée. Un véritable boute-en-train pour la quarantaine de visiteurs. Dans le car, lui et les personnes à l'arrière chantent à l'unisson des chants orientaux. D'autres se perdent à travers les paysages qui défilent d'une étape à une autre. Le car s'arrête : deuxième escale dans l'antre d'un ancien port phénicien à Sarepta, qui aurait été repris après par les Ottomans. L'eau de mer et ses nuances de bleu sont à couper le souffle. L'odeur du sel exalte les narines. Le calme qui y règne et le va-et-vient des vagues donnent l'impression d'être en vacances sur une île paradisiaque.
Seul bémol : un homme s'est lancé depuis des années dans la construction d'un hôtel surplombant le port et lui ôtant pratiquement tout son charme tant la folie des grandeurs l'a animé.
« Préserver notre patrimoine, de l'archéologie à l'architecture »
Nelly Abdallah, membre du comité environnemental de l'Apsad, persiste et signe : « Tout le monde va toujours à Baalbeck ou à Byblos, mais il n'y a pas que cela à voir au Liban. C'est pour cela qu'il est important de faire (re)découvrir des activités rurales et anciennes à travers les traditions de certaines régions. » L'Apsad organise également des visites du patrimoine pour les écoles, et des concerts pour collecter des fonds et acquérir un budget. « Nous faisons beaucoup de sensibilisation et d'information car notre objectif est aussi de préserver notre patrimoine, de l'archéologie à l'architecture, poursuit-elle. Nous préférons rénover des maisons qui existent déjà et qui font partie de notre patrimoine plutôt que de reconstruire juste à côté de nouvelles maisons toutes neuves. »
Cap sur Adloun, avec un accueil très chaleureux de la part de la municipalité et de son moukhtar, Samih Wehbé. Une ville réputée pour la culture des pastèques. « Nous ne voulons pas couper notre plage avec la construction de bâtiments. Nous essayons de nous battre pour préserver notre littoral qui fait aussi partie de notre patrimoine, confie le moukhtar de Adloun. Mais nous n'arrivons pas à empêcher les propriétaires de terrains à construire ». Michel, la cinquantaine, a connu l'Apsad il y a deux ans. Cette année, il a décidé de participer aux trois journées du patrimoine. « Grâce à L'Orient-Le-Jour, je me tiens informé des dates car c'est l'occasion de découvrir notre patrimoine. Il existe de nombreux endroits que l'on n'a jamais vus et dont on n'a parfois jamais entendu parler alors que l'on est libanais, reconnaît-il. Comme pour Adloun, par exemple. J'ai toujours cru que c'était en Syrie, alors que ça vient de chez nous ! C'est très important de connaître notre pays. »
La visite d'une mosquée, Maqam Nabi Sari, construite en pierres beige et surmontant le bord de mer, révèle qu'il y aurait le tombeau d'un prophète persécuté, d'origine juive, ayant pris la fuite pour trouver refuge à Adloun. « C'est intéressant car l'on y trouve quelques similitudes avec nos pratiques catholiques », confient trois personnes après avoir écouté les explications d'un homme de confession musulmane chargé de faire la visite à l'intérieur du lieu de prière.
Avant de déjeuner en bord de plage, une pause s'impose devant les grottes de Adloun datant du Ve siècle av. J.-C. L'occasion d'apprendre qu'il y existait des sarcophages : certains ont été pillés, d'autres auraient été déplacés, notamment par les Francs, puis déposés par la suite au musée du Louvre... Entre contemplation et évasion, certains s'amusent à escalader les grottes pour y découvrir les moindres ouvertures, inaccessibles malheureusement aux humains.
Il est 14 heures. Place au déjeuner aux allures de banquet. Salades, mezzé et poissons frais sont un véritable régal. Le tout dans un décor apaisant et sublimé par la proximité de la mer et le soleil de plomb. Autour de la table, tout le monde semble ravi par cette journée. Maha participe pour la troisième fois à ces journées : « C'est la première fois que je viens ici. Je suis contente de découvrir des monuments que je n'ai jamais vus au Liban. C'est toujours très intéressant, et puis c'est l'occasion de faire de belles rencontres. »
« Besoin d'aide et d'argent pour préserver notre patrimoine »
Alors que certains entament leur digestion avec des chants traditionnels et la danse de la dabké, d'autres dégustent fruits et café. Le moukhtar de Adloun poursuit : « Grâce à ces journées, nous voulons diffuser ce que ressentent vraiment les Libanais. Nous sommes très contents d'être tous du Liban ! »
« Nous avons toutefois besoin d'aide et d'argent pour préserver notre patrimoine, regrette-t-il. Nous travaillons avec le ministère des Travaux publics et des Transports pour préserver le littoral. Nous voudrions créer un port touristique ou une marina. » Son idéal ? « Ce serait de faire un jumelage ou une coopération avec d'autres villes afin de permettre des visites partagées », conclut-il. Un manque de moyens qui serait assez récurrent au pays du Cèdre. Et la Direction générale des antiquités (DGA) serait souvent montrée du doigt. « Leurs raisons sont toujours les mêmes : le manque d'effectifs et/ou le manque de moyens, s'insurge une ancienne membre du comité environnemental de l'Apsad. Ça nous fait mal de voir nos réserves naturelles non préservées. La DGA manque d'effectifs alors qu'elle devrait couvrir tout le Liban ! »
Dernières étapes de l'excursion : Maghdoucheh et le sanctuaire de Notre Dame de Mantara, ainsi que le temple d'Echmoun, datant du VIIe – VIe siècle av. J.-C et dédié au dieu phénicien de la guérison. Parmi les ruines, l'état des vestiges de mosaïques byzantines attriste les participants : « C'est navrant de voir ces sols se détériorer au fil du temps alors qu'il s'agit de notre patrimoine, déplore un groupe de personnes. Bientôt, on ne verra plus les mosaïques. »
Après quelques fruits achetés aux agriculteurs, il est temps de repartir à Beyrouth. Le temps d'une journée, les personnes présentes ont eu l'impression de changer complètement de pays et de découvrir parfois une autre culture. De nombreux sourires le confirment. Claude, un habitué des Journées nationales du patrimoine, l'affirme : « On s'amuse tout en découvrant des endroits moins touristiques, et pourtant très anciens et chargés d'histoire. C'est toujours plus intéressant de sortir des sentiers battus. »
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