mercredi 7 août 2013

II.- Le « petit » Liban est mort, vive le « grand » Liban ! | Opinions | L'Orient-Le Jour

II.- Le « petit » Liban est mort, vive le « grand » Liban !

Ainsi, le dogme officiel fait du Liban un pays de services où l'initiative et l'intérêt privé sont rois. Nul besoin d'activité productive, industrielle ou agricole. Pas besoin non plus de normes, de règlementation, d'encadrement ou de fiscalité. Laissez faire le génie libanais, dit-on, ne l'encombrez surtout d'aucune contrainte (voir L'Orient-Le Jour du jeudi 25 juillet 2013).
Cet ersatz de la « main invisible » a produit un résultat catastrophique : l'espace commun, dans le sens large du terme, donc économique (redistribution des richesses), urbain (espace public), social (connaissance et respect de l'autre) et structurel (infrastructures), est réduit à sa plus simple expression. Et le résultat est sans appel : malgré le génie humain dont il peut se targuer, le Liban fonce tout droit vers le sous-développement endémique, son économie est dans l'impasse avec une pauvreté qui explose, un marché de travail ridiculement restreint et une dette colossale. Même les rivières y sont asséchées, drainées par quelques profiteurs et délaissées par les pouvoirs publics !

Pourquoi tout cela devrait-il changer ? Tout simplement parce que le « petit » Liban devient trop « petit » pour qu'on puisse y vivre, parce que le système est à bout, c'est la faillite imminente. Les mythes fondateurs que certains prenaient pour des piliers s'effondrent tour à tour. Notre démocratie consensuelle a produit un vide institutionnel qui laisse les tribus communautaires se replier sur elles-mêmes au lieu de converger vers une citoyenneté commune. Plus de Parlement, de Conseil des ministres, de justice ou d'armée impartiale, juste un peuple en colère. Le côté « milice pour tous » du pays produit des fanatiques de tous bords qui nous replongent progressivement dans une guerre civile, encore itinérante mais qui risque de se généraliser en tout moment. Aussi, et c'est là le véritable espoir de changement, l'aventurisme syrien du Hezbollah inversera sans doute la fortune de ce parti qui a de plus en plus de mal à justifier ces choix sur les scènes nationale et chiite. On ne badine pas avec la démographie, et le temps montrera que se déroule devant nous la campagne de Russie du Hezbollah, que Qousseir sera son Stalingrad. Et c'est tant mieux, car cela l'amènera sous doute à se replier vers une option libanaise dans laquelle il sera toujours le bienvenu. En outre, la faillite économique est certaine et il est certain qu'elle sera, comme partout ailleurs, le moteur du changement. Le pain quotidien finira par unir les Libanais contre la classe affairiste dominante, et comme celle-ci se confond de plus en plus avec la classe politique, on peut plus que jamais aspirer à un changement global et structurel. 

Ne dit-on pas qu'il faudrait « tuer » son père pour entrer pleinement dans l'âge adulte ? La mort du « petit » Liban a cet avantage de nous mettre devant nos responsabilités. C'est un État moderne qu'il s'agit donc de construire maintenant. Nous ne pouvons pas continuer à rêver du pays message sur un champ de ruines, de « dissolution » nationale, alors que les tensions confessionnelles sont à leur paroxysme. Nous ne pouvons plus aspirer à un centre de services régional alors que celui-ci existe à Dubaï et que les Libanais rêvent d'y émigrer !
Tous ces mythes empêchent notre pays de sortir de son adolescence. Leur effondrement agrandit le domaine des possibles et les raisons d'espérer. Le « grand » Liban devra être inévitablement bâti sur la réalité du pays telle qu'elle est et non sur des fables nationales. Il devra donc faire place aux principes et mécanismes universels de gouvernance propres aux nations multiculturelles. La régionalisation et la neutralité en sont partout les maîtres mots et il est grand temps qu'on leur fasse honneur au Liban. Le « grand » Liban devra aussi placer le développement de l'homme au centre de la mission de l'État et réhabiliter l'individu face à la tribu et à la communauté. Une politique socialiste ne serait donc pas de trop dans ce pays ou la domination des puissants s'exerce comme nulle part ailleurs et où l'on oublie trop souvent que la citoyenneté est aussi un lien économique. Mais cela relève encore d'un long débat à venir...

 Albert KOSTANIAN

Consultant en stratégie
économique
Membre du bureau politique du parti Kataëb





Envoyé de mon iPad jtk

Aucun commentaire: