Statues détruites par Daech : une «tragédie» pour les scientifiques
Sophie Makariou, qui dirige le musée Guimet des Arts asiatiques à Paris, réagit avec d'autres conservateurs et archéologues à la destruction par des djihadistes d'une collection de sculptures antiques.
«Je suis atterrée, le mot est bien faible, de ce que je vois. Et pas étonnée», dit Sophie Makariou, qui a piloté au Louvre l'ouverture des nouvelles salles du Département des Arts de l'Islam et qui dirige aujourd'hui, à Paris, le musée Guimet des Arts asiatiques. «J'avais bien dit le 4 janvier 2012, lors de la conférence de presse à la réception du chantier architectural des Arts de l'Islam au Louvre, que 'l'Islamisme c'est la mort de l'Islam'. J'ai également prévenu que dans cette guerre, le patrimoine ne serait pas une victime collatérale mais une cible. Il l'était lorsque les islamistes - les talibans - ont détruits les bouddhas de Bamyan, lorsque les islamistes ont fait sauter le magnifique tombeau de Hassan al-Basri, un monument du XIIe siècle qui, ô crime, est un tombeau, à Samarra. Mais je n'ai pas entendu une mouche voler. Pas plus que je ne l'ai entendue lorsque des islamistes ont ravagé le musée d'art islamique du Caire en 2014. C'est la même chaîne de causalités.
Maintenant ils sont à l'œuvre au musée de Mossoul, l'antique Ninive au deuxième millénaire d'avant notre ère. Puis une capitale si importante de la Djézireh au XIe-XIIIe siècles de notre ère. Ils détruisent les grands taureaux androcéphales: c'est une tragédie, une tragédie. Soyons heureux que nos musées conservent des témoignages de ces civilisations disparues, au rang desquelles il faut compter le vieil Islam dont il ne reste rien.»
«Une catastrophe irréparable»
Avec Sophie Makariou, son époux Gabriel Martinez-Gros se déclare «atterré». Cet historien français, spécialiste du monde d'al-Andalus, professeur d'histoire médiévale du monde musulman à l'Université de Paris-X, croit, sur le film reconnaître le musée de Mossoul. Pour lui seraient réduites en miettes la face anthropomorphe d'un taureau ailé qui bornait la porte de Nergal à Ninive et des statues probablement parthes.
Pareillement «affligée», Élisabeth Fontan, conservateur honoraire du Louvre, qui vient juste de prendre sa retraite et se trouvait en charge des collections assyriennes, juge qu'il s'agit d'«une catastrophe irréparable». «Les responsables de l'Institut français du Proche-Orient basés à Erbil ne peuvent même pas aller sur place, précise-t-elle. En 2003, durant la guerre du Golfe, des Taureaux de Khorsabad comparables à ceux qu'on peut admirer au Louvre avaient déjà été découpés en morceaux.»
Envoyé de mon Ipad
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